Accessibilité – Captiver une audience attentive (Partie II)

Texte original « Approachability – Captivate a captive audience (Part II) » écrit par Alex Harkey de GamesPrecipice.com
Traduit par Xavier Lardy et publié avec l’aimable autorisation des auteurs.

~ ~ ~ ~ ~ ~ ~

Là où nous nous sommes arrêtés la semaine dernière, nous examinions la Clarté qui aide les joueurs en leur fournissant un contexte pour leurs actions disponibles. Nous avons terminé en regardant la Navigation qui fournit des objectifs à long terme pour les nouveaux joueurs afin de mitiger le manque d’expérience. Nous reprendrons là où nous nous sommes arrêtés auparavant en couvrant la Parcimonie et l’Assurance et en suivant par une conclusion qui combine tous ces concepts ensemble.

Parcimonie

La plupart de nos axiomes de l’Accessibilité aident les nouveaux joueurs en mettant des ressources ou des mécanismes additionnels à leur disposition. Notre axiome de la Parcimonie s’écarte des autres en adhérant à la simplification, qui peut réduire la charge globale sur les joueurs. La Parcimonie est plus qu’une simple déclaration arbitraire du type « débarrassez-vous des choses en trop » et en réalité milite pour l’addition par la soustraction.

Un de mes articles favoris sur le sujet a été écrit par Grant Rodiek du blog Hyperbole Games. Dans sa couverture du sujet il utilise l’analogie d’une coupe et à chaque game design nous demandons à nos joueurs de remplir leur coupe. En tant que game designers nous ne souhaitons peut-être pas l’admettre mais il y a réellement une capacité associée au volume de complexité que les joueurs sont prêts à recevoir avant que leur coupe ne déborde. Il est difficile d’estimer le volume maximum de la coupe d’un individu puisse contenir, mais c’est une très bonne analogie à garder à l’esprit.

Examinons quelques méthodes avec lesquelles le game design peut implémenter la Parcimonie.

Mécanismes

L’aspect le plus significatif dans l’apprentissage d’un nouveau jeu est à la présence de plusieurs mécanismes de jeu. Pour l’instant nous parlerons de la possibilité d’avoir trop de mécanismes dans un jeu.

Le game design peut être une forme excitante de créativité et les game designs les plus réussis sont définis par l’innovation. Des jeux comme Pandémie ou Dominion sont devenus de grands succès ces dernières années car ils combinent un concept coeur avec quelques innovations clés. Fréquemment dans le game design il y a un risque d’impliquer trop d’innovation dans un game design.

L’Accessibilité fonctionne de façon plus efficace en construisant sur des éléments familiers de manière à introduire des idées non familières dans des situations de confort. Même pour les joueurs expérimentés, trop de nouvelles idées dans un jeu peuvent retirer l’engagement initial crucial alors qu’ils se retrouvent à consulter le livret de règles, revisiter l’aide de jeu ou consulter les cartes et tuiles. Passer un temps précieux à construire de nouvelles fondations peut éliminer les gains d’autres méthodes pour introduire l’Accessibilité.

Composants

La Parcimonie peut être étendue à différents domaines du game design et l’un de ceux qui affectent le plus l’Accessibilité sont les composants. Une large présentation de monnaies, gemmes, cartes et meeples dans un game design peut le rendre visuellement impressionnant pour un joueur alpha mais peut vite devenir un cauchemar pour un joueur qui n’est pas animé d’un enthousiasme similaire.

Le jeu Tzolk’in : Le Calendrier Maya incorpore une série d’engrenages dans un plateau de jeu impressionnant. Ces engrenages peuvent paraîtrent comme un élément surproduit mais ils ont aussi la capacité de fluidifier les mécanismes attendus pour les nouveaux joueurs. Le système d’engrenages est capable d’apprendre aux joueurs non familiers les bases du placement et du retrait d’ouvrier. Plus que demander au joueur de progresser physiquement à travers de nombreuses pièces, la simplicité des parties mobiles illustre la fonctionnalité du gameplay.

Les débutants peuvent prévoir la direction des engrenages et observer le flux de la partie juste après quelques rotations de ces engrenages. Les joueurs n’ont pas besoin de réaliser des phases d’entretien fatigantes de manière à avancer les pièces autour du plateau et peuvent ainsi investir leur temps à jouer au jeu plutôt qu’à exécuter les mécanismes du jeu.

Monnaies du jeu

Nous interprétons généralement les ressources (ou monnaies) comme des objets tangibles : cubes en bois, cartes, pièces d’or ou papier monnaie. Nous pouvons aussi inclure des ressources intangibles comme les points d’action, les points de vie, la mana, jouer un tour et même la capacité quand des restrictions d’espace existent.

Une des grandes innovations dans les jeux de cartes comme San Juan et Race for the Galaxy est l’utilisation des cartes comme une monnaie courante dans les jeux. Les cartes peuvent être utilisées dans chaque jeu soit pour leur contenu descriptif ou leur usage en tant que ressource pour acheter d’autres cartes. Les cartes sont aussi stockées durant la partie pour indiquer les points de victoire pour le score final. Une idée comme celle-ci n’est pas seulement intelligente mais elle accélère le rythme de la partie pour les joueurs qui ne sont plus embarrassés par le fait de se souvenir s’ils ont collecté leur monnaie pendant une phase de revenus ou ont fabriqué des produits il y a deux tours. Tout en gardant le coût des composants très bas pour la publication cela fournit aussi des bénéfices ultérieur à l’industrie.

Fusionner les monnaies présente aussi un second bénéfice au game design quand il est implémenté de différente manière. Dans certains jeux, une monnaie centrale comme les points de victoire peut être dépensée sur des éléments pendant le déroulement de la partie. Lointains sont les jours des doubles monnaies, une pour l’argent, et une autre pour les points de victoire. Les joueurs doivent peser le bénéfice éventuel de chaque élément et chaque investissement qu’ils font pendant la partie, ou l’éviter entièrement.

Dans le jeu Firenze les joueurs collectent des briques (monnaie primaire) dans couleurs variées de manière à construire des bâtiments et gagner des points de victoire (monnaie culminante). Firenze utilise ces briques comme des ressources coeur que les joueurs utilisent pour acheter des tours et réaliser des actions additionnelles. Cela aurait été plus simple pour le designer d’inclure une monnaie plus conventionnelle comme l’or pour payer pour les objets dans le jeu mais cela aurait apporté une complexité additionnelle tout en offrant aux joueurs moins de décisions intéressantes.

Echelle représentative

Une autre façon d’améliorer les jeux en utilisant la Parcimonie est d’adresser l’échelle représentative des ressources. Il est terriblement tentant de désirer trois cents cartes dans votre jeu et d’avoir besoin de dix cubes de ressources de manière à ce qu’un joueur puisse construire un grand palace mais cela crée un nombre de problèmes sur le développement à long terme de votre jeu :

  • Plus vous avez de cartes et de tuiles, plus de tests cela demande pour équilibrer votre jeu.
  • Les éditeurs cherchent des idées pour réduire le surplus. Souvenez-vous, même si vous avez une centaine d’idées de très bonnes cartes, vous devez vous attendre à des extensions éventuelles.

Utiliser une échelle représentative des ressources est aussi la façon la plus simple pour tailler dans les coûts potentiels de production si votre jeu en vient à être publié. Permettre à un cube de ressource de représenter une grande quantité de bois ou de pierre apporte un bénéfice psychologique additionnel au-delà de la Parcimonie. Les humains peuvent être partiaux avec des petits chiffres qui permettent aux joueurs de planifier plus rapidement et plus efficacement tout en évitant de simples erreurs de calcul. Réduire les demandes en ressources par un facteur commun est une option simple qui peut même encourager psychologiquement les joueurs à essayer de nouvelles stratégies en n’effectuant aucun autre changement. Une échelle plus petite peut rendre un objectif difficile plus facile à atteindre.

Organisation de l’information

Le domaine potentiel qui a le plus besoin de Parcimonie est l’organisation de l’information dans les jeux. Quand les nouveaux joueurs apprennent votre jeu ils n’auront pas par chance à déchiffer une trop grande quantité d’information pour démarrer.

De nombreux jeux de cartes ont pris l’habitude de concevoir une large étendue de cartes uniques à inclure dans le gameplay. Malheureusement, les cartes avec beaucoup de texte unique créent un problème d’Accessibilité. Les jeux de cartes à collectionner étant le plus touchés.

  • Tirer de nouvelles cartes crée un brève période de tension de lecture et d’interprétation des cartes qui peut ou non causer un délai dans la partie.
  • Si le joueur conserve la carte dans sa main pendant un certain temps, il aura besoin de consulter fréquemment ses cartes avant de décider laquelle jouer.
  • Lorsque la carte sera enfin jouée cela sera souvent suivi d’un « Qu’est-ce que cela fait ? » et un délai dans la partie de manière à disséminer l’information aux autres joueurs.

Pris individuellement chacun de ces délais sont relativement mineurs mais mis bout à bout ils compliquent le processus du déroulement de la partie. Les premières parties d’un jeu peuvent être spécialement problématiques alors que les joueurs doivent investir un temps initial pour se familiariser avec les cartes. Alors que nous explorerons plus avant dans notre prochain article la courbe d’apprentissage des jeux, la solution de ce problème vient généralement en maintenant la brièveté dans les descriptions des cartes et une iconographie cohérente si possible.

Assurance

Notre sixième et dernier axiome de l’Accessibilité est l’Assurance. C’est notre axiome qui va au-delà de l’engagement de l’audience de manière à réassurer les joueurs hésitants que leur participation à un jeu étant une bonne idée.

Comme je l’ai présenté dans notre tout premier article, les joueurs participent aux jeux en fonction de diverses motivations et il est important de garder ces motivations à l’esprit alors que nous progressons à travers cette section sur l’Assurance. Les joueurs se poseront (consciemment ou inconsciemment) ces questions sur à peu près tous les jeux auxquels ils prendront part :

– Qu’est-ce que j’essaie d’accomplir ?

La première question est la plus directe ; les joueurs veulent savoir qu’ils sont au moins en train d’essayer de réaliser quelque chose et en retirer de l’amusement (fun). Atteindre un objectif peut fournir une certaine satisfaction, quelle que soit la valeur finale du résultat. Nous voulons éviter de décourager les joueurs au tout début d’un très long jeu, alors si cela demande beaucoup de jeu de progresser, ne punissez pas les joueurs dès le début.

– Pourquoi est-ce que je joue à ce jeu ?

Le game design peut souvent en arriver à créer un problème et demander aux joueurs de le résoudre. Mais les joueurs ont besoin d’avoir leur motivation remplie régulièrement avec des récompenses intrinsèques provenant du jeu. Pour certains joueurs la motivation viendra d’être le premier ou proche du premier, mais pour notre public qui était initialement hésitant, la récompense peut venir en partie simplement du fait qu’il leur soit rappelé qu’ils progressent bien.

La méthode de score en « salade de points » présent dans des jeux comme Castles of Burgundy, Village et Terra Mystica a provoqué une critique ces dernières années mais il réussit quelque chose de très bien en cela qu’il récompense les joueurs du simple fait de jouer au jeu. Alors que marquer des points pour à peu près tout dans un jeu comme Bora Bora peut paraître très peu différent qu’attendre la fin de la partie pour un marquer, cela fourni un bénéfice psychologique du fait que les joueurs font des progrès réguliers. Le bénéfice secondaire de la salade de points adresse la question précédente aussi qu’il fournit un sens d’accomplissement dès le début qui se poursuit pendant toute la partie.

– Qu’est-ce que cherche à en retirer ?

L’Assurance peut être utilisée pour démontrer plus que simplement comme les actions du joueur mènent à des résultats. Une façon d’assurer un joueur qu’il a pris une bonne décision est de plaire à son imagination. Ce n’est pas une solution pour tout qui fonctionnera pour tous les joueurs qui essayent votre game design mais elle peut servir avec succès une partie de votre audience sur leurs préférences.

Curiosité : Les jeux Tongiaki et Betrayal at the House on the Hill sont deux jeux qui incluent l’exploration comme mécanisme principal dans les premières phases de la partie. L’exploration fait appel à la curiosité des joueurs et s’adapte naturellement aux nouveaux joueurs qui sont en situation d’apprendre progressivement les nouveaux lieux et zones d’un nouveau jeu. Tongiaki et Betrayal sont deux des meilleures illustrations d’exploration car il y a une grande tension qui entoure l’issue de la révélation de tuiles, certains offrant de grands bénéfices et d’autres des déconvenues.

Créativité : Les jeux Dixit et Il Etait Une Fois sont deux jeux qui satisfont les besoins sociaux des joueurs. Il Etait Une Fois en particulier dévie des éléments de score compétitif de manière à fournir une situation pour la créativité et les deux jeux récompensent les joueurs qui aiment penser « en dehors de la boite » et utiliser toutes les ressources à leur disposition. Un joueur repoussé par l’idée de jouer à de nouveaux jeux pourra apprécier des règles légères et un certain niveau de gameplay non limité.

Tromperie : Les jeux Liars Dice et Résistance permettent aux joueurs de prendre une rôle qu’il n’auraient pas d’ordinaire et d’être à l’aise d’utiliser la tromperie et le bluff afin d’atteindre la victoire. A l’autre bout de la situation, certains joueurs apprécieront le fait d’identifier les bluffs ainsi que la vérité. L’Assurance de ces jeux est aussi bâtie sur des tours courts qui mènent à des révélations excitantes. L’élément social de ces jeux aide à récompenser les joueurs pour agir en toute confiance et ces révélations intenses de traîtrise.

Dextérité : le dernier exemple de l’Assurance que nous verrons est une catégorie entière de jeux de plateau. Des jeux comme Loopin’ Louie et Pitchcar réduisent la charge sur les joueurs en retirant les complexités cognitives et permettant aux joueurs de simplement jouer au jeu sans s’inquiéter d’une pauvre performance. Certains joueurs préféreront s’écarter d’une planification stratégique profonde et apprécieront juste la compagnie des autres joueurs.

Conclusion

La Clarté sert à assister les joueur à observer comment leurs actions mènent à des résultats. La Clarté a plus de valeur pour établir l’Accessibilité quand :

  • Un jeu est extrêmement difficile à apprendre à de nouveaux joueurs.
  • Il y a un large panel d’options disponibles pour les joueurs qui n’ont pas de connections évidentes.
  • Il y a une récompense dans le futur ou une grand nombre de tours avant de voir les résultats de l’action des joueurs.
  • La performance d’un joueur après une partie est difficile à analyser et à en tirer un apprentissage.

Le but de l’Accessibilité est d’amener les joueurs à rejouer une seconde partie et la Clarté a une influence significative pour s’assurer que les joueurs comprennent le jeu et sont ainsi motivés pour essayer à nouveau.

La Navigation sert à donner aux joueurs une direction de départ ou une étoile guide qu’un nouveau joueur peut utiliser pour trouver ses repères tôt dans la partie. La Navigation a le plus de valeur pour établir l’Accessibilité quand :

  • Il y a une grande quantité d’innovation ou des idées extrêmement abstraites.
  • Le flux standard du gameplay est imprévisible ou difficile à suivre.
  • Un jeu passerelle présente des niveaux élevés de complexité.

La Navigation peut être une façon de réduire le terrifiant « désastre de la première partie » qui peut décourager un nouveau joueur pour la seconde partie et les suivantes. Cela n’apportera peut-être pas beaucoup de bénéfices à des joueurs expérimentés mais cela aidera votre jeu à convertir de nouveaux joueurs en joueurs expérimentés.

La Parcimonie cherche à expliquer le plus d’information en utilisant le moins d’éléments nécessaire. La Parcimonie a le plus de valeur pour établir l’Accessibilité quand :

  • Un jeu est très complexe.
  • Un jeu présente une durée de partie plus longue qu’il ne paraît nécessaire.

En général quand le terme « élégance » est utilisé pour décrire un jeu, celui-ci contient une forte idée de Parcimonie en plus des autres buts du design. Dans les jeux plus lourds et plus longs, il est attendu des game designers qu’ils taillent dans le gras mais la Parcimonie peut les aider à réduire encore plus la charge sur les joueurs et en permettant au designer de choisir quelles parties du design devrait être mises en priorité dans l’expérience du joueur.

L’Assurance sert à réduire le conflit interne des joueurs qui sont encore incertains sur un jeu après que la partie ait commencée. L’Assurance a la plus de valeur pour établir l’Accessibilité quand :

  • Un jeu demande un investissement lourd – d’habitude une longue durée de partie, ou demande une explication étendue des règles.
  • Un jeu commence par un départ lent avant d’atteindre l’expérience attendue.
  • Un jeu a une condition de victoire abstraite qui peut être confuse pour les nouveaux joueurs.

Les joueurs ont besoin d’indications dans les premières portions d’un jeu qui confirmeront à la fois leur motivation initiale à jouer et élimineront les éventuelles inquiétudes à continuer.

Article précédent : Accessibilité – Captiver une audience attentive (Partie I)

Article suivant : Accessibilité – La courbe d’apprentissage