L’article original « Level 11: Design Project Overview » a été écrit par Ian Schreiber et fait partie d’un cours de game design en ligne, publié sur le blog Game Design Concepts.
L’article original et cette traduction sont publiés sous licence Creative Commons (Attribution).
N’hésitez pas à visiter le blog de Ian Schreiber et suivre son compte Twitter.
~ ~ ~ ~ ~ ~ ~
Vous avez créé un jeu lors de la première journée de ce cours. Cela vous a pris en tout 15 minutes. Il n’était probablement pas très bon. À ce stade, avec votre compréhension actuelle des états de flow, des boucles de rétroaction et des types de décisions, vous pouvez probablement isoler les raisons pour lesquelles il n’était pas très bon.
Vous avez fait plusieurs autres jeux après celui-ci. Vous pourriez être fiers de certains d’entre eux, et embarrassés par d’autres. En regardant en arrière, vous pourriez en trouver un dont vous étiez fier et vous réalisez maintenant qu’il pouvait être meilleur. Ou peut-être pas.
De toute façon, vous savez comment faire des jeux.
Alors, faisons un bon jeu. Vous possédez tout le savoir et la théorie dont vous avez besoin.
Nous passerons le prochain mois à faire un jeu. Si vous êtes un étudiant, cela peut sembler être un temps incroyablement long pour vous, et vous serez surpris de la vitesse à laquelle le temps passe. Si vous avez un peu plus d’expérience, cela pourrait sembler un temps déraisonnablement court, mais je vous promets que vous pourrez le gérer. N’ayez pas peur ; vous ferons les choses étape par étape, en suivant le processus en entier. Vous n’aurez pas à tout terminer d’un coup. (Vous ne devriez pas. C’est comme cela que les jeux se font.)
Lectures
Lisez les choses suivantes :
- Challenges for Game Designers, Chapitre 11 (Targeting a Market). Nous avons discuté de l’importance de concevoir pour le joueur (par opposition au designer) plus tôt dans ce cours. Ce chapitre va plus en détail, en donnant certaines considérations lorsque vous concevez un jeu pour une population cible ou attrayant pour le marché de masse.
Projet de design : un aperçu
Dans mes cours donnés en classe, j’appelle cela un projet portfolio – un jeu qui se retrouvera au final dans le portfolio d’un étudiant en game design comme façon de montrer leur compétence en game design. Vous pouvez envisager de faire cela aussi, selon votre situation et vos objectifs de carrière.
Le propos du Projet de Design est d’acquérir un peu d’expérience en suivant un jeu à travers le processus complet de la conception à sa finition. À cause de cela, ne partez pas simplement avec un design existant (comme un précédent jeu que vous avez créé pendant ce cours, ou une idée qui flotte dans votre tête depuis un moment). Vous avez assez de temps – le reste de votre vie – pour amener plus loin vos projets existants. Pour l’instant, apprenez à mettre en pratique toutes les étapes de la conception d’un jeu.
Le processus
Comme vous pourriez le deviner à partir du syllabus, le processus que nous suivrons ressemblera à quelque chose comme ça :
- D’abord, générer plusieurs idées cœurs pour des jeux. Elles n’ont pas besoin d’être détaillées de façon significative, elles sont simplement des « graines » qui peuvent servir de points de départ. Vous en choisirez une pour servir de base à votre Projet de Design.
- Ensuite, vous créerez les mécaniques cœurs de votre jeu. Le jeu n’a pas besoin d’être complet pour l’instant avec tous les détails précis, mais il doit être à un point où vous pouvez commencer à jouer avec vous même (même si vous avez à inventer beaucoup des règles au fur et à mesure où vous avancez). Vous jouerez à votre propre jeu en privé, en travaillant dessus jusqu’au stade où vous avez un ensemble complet de règles.
- Après cela vous le présenterez à des amis proches, votre famille, vos confidents, ou les autres participants de ce cours. Partagez votre projet avec eux, jouez au jeu avec eux, et obtenez du feedback. La clef ici est de déterminer si le cœur du jeu est fun ou non (si ce n’est pas le cas, vous pouvez recommencer avec une de vos autres idées ou alors modifier votre jeu actuel et essayer à nouveau). S’il ne démarre pas en donnant l’impression que le fait d’y jouer a pour qualité un peu de fun magique, ce sentiment a peu de chances de se matérialiser plus tard – il est préférable d’abandonner une idée tôt et essayer à nouveau que de perdre beaucoup de temps sur quelque chose qui ne marchera simplement pas. Les idées sont peu coûteuses, l’implémentation est coûteuse ; agissez en conséquence.)
- Lorsque vous avez le cœur de votre jeu qui fonctionne et atteint ses objectifs de design, il sera temps d’entrer dans les détails. Faites en sorte que le jeu puisse être joué jusqu’à la fin, sans que le designer soit présent pour répondre aux questions ou créer des règles à la volée. Allez au stade où le jeu a un ensemble complet de règles, sans oubli ou impasse qui provoque l’arrêt du jeu quand les joueurs ne peuvent déterminer ce qui doit suivre. Vous le playtesterez avec de nouveaux joueurs qui n’ont pas vu le jeu auparavant, et les observerez à distance pour voir ce qu’ils font.
- Une fois que vous êtes confiant sur le fait que votre jeu soit solide, vous explorerez le « blindtest1 » – un playtest où vous n’êtes pas présent. Vous donnerez votre jeu à quelqu’un d’autre qui sera d’accord pour le tester et fournir du feedback. Cela simule de très près les conditions actuelles du marché, ou une personne qui achète un jeu n’a pas de contact direct avec le designer du jeu, et il doit comprendre comment y jouer par lui-même.
- Une fois que tous les détails sont complets dans votre jeu, il est temps d’ajuster les petits détails. Faites en sorte que le jeu soit équilibré – ce qui signifie qu’il n’y a pas « d’exploit » stratégique qui soit trop puissant, et que tous les joueurs sentent qu’il ont une chance raisonnable de réussir.
- Au final, comme le jeu s’approche de son terme et les mécaniques se solidifient, vous prendrez en considération l’ « interface utilisateur » de votre jeu – le design visuel des composants physiques qui rendront le jeu aussi plaisant, facile à apprendre et à jouer que possible.
- Une fois que tout est mis en place, vous passerez un petit peu de temps sur la fabrication des composants physiques, en faisant les dessins et en assemblant les composants dans leur forme finale.
Gardez à l’esprit que le game design est un processus itératif, et qu’à n’importe quel moment dans le processus vous pourriez trouver une raison de revenir à des étapes antérieures pour refaire quelque chose. C’est bien et il faut même s’y attendre. C’est aussi la raison pour laquelle il est préférable de tuer une idée tôt plutôt que de l’abandonner tardivement. Si vous découvrez que vous devez redémarrer de zéro, vous aurez plus de temps restant si vous redémarrez dans la première semaine (par opposition à redémarrer le projet la dernière semaine).
Génération d’idées
Souvenez-vous du chapitre 4 : il y a de nombreuses façons de commencer à concevoir des idées. Démarrez avec les esthétiques cœurs, ou une mécanique cœur. Démarrez avec de la matière d’autres sources. Démarrez avec un récit. Et ainsi de suite.
Aujourd’hui, commencez à générer quelques idées. Regardez le monde autour de vous. Quels systèmes voyez-vous qui pourraient faire des bons jeux ? Emportez un carnet de notes avec vous où que vous alliez dans les prochains jours, et écrivez chaque idée qui vous vient à l’esprit, mais si elle vous paraît stupide.
Plus vous générez d’idées, plus cela devient facile.
Contraintes du projet de design
Je pourrai laisser ce projet entier ouvert, mais de manière à faire en sorte que vous démarriez je vais vous donner quelques contraintes. Souvenez-vous, les contraintes sont vos amis.
Si vous n’avez jamais conçu un jeu complet avant ce cours, suivez cette série de contraintes. Créez un jeu de plateau, un jeu de cartes, ou un jeu de pose de tuiles (c’est à dire qu’il doit soit avoir un plateau, des cartes ou des tuiles comme composants physiques). Il peut avoir plus d’un de ces composants, et il peut impliquer des composants additionnels au cela de ceux là (comme des dés ou des pions). Vous pouvez choisir le thème que vous voulez, tant qu’il est original – n’utilisez pas une IP (propriété intellectuelle) existante. En résumé, si votre œuvre viole la marque ou le copyright de quelqu’un d’autre, ne le faite pas. Vous travaillerez sans doute avec les IP d’autres personnes à certains moments de votre carrière ; saisissez maintenant l’occasion de faire quelque chose d’original avec votre propre IP.
Je vais placer deux restrictions de plus pour vous aider. En premier, vous ne pouvez pas faire un jeu de culture générale, ou n’importe quel autre jeu qui repose sur un large volume de contenu (comme le Trivial Pursuit, Pictionnary, Apples to Apples, ou Cranium). C’est simplement dans l’idée de garder votre cadre limité ; si vous avez à créer 250 cartes avec des questions uniques de culture générale dessus, cela vous laissera beaucoup moins de temps pour playtester les mécaniques du jeu. Je mettrai aussi les Jeux de Cartes à Collectionner2 (comme Magic : L’Assemblée et Pokemon TCG) dans cette catégorie aussi, comme cela demande beaucoup de temps pour créer un large nombre de cartes.
En deuxième, vous ne pouvez pas utiliser de mécanique « roll-and-move3 » sous n’importe quelle forme. Ne lancez pas de dés pour ensuite avancez un pion le long d’une piste. N’utilisez pas de girouette ou de toupie ou de tirage de cartes, ou n’importe quel autre objet de génération de nombre aléatoire pour déterminer ce que le joueur fait à son tour. Il y a différentes raisons pour cette interdiction. En premier, la mécanique est vraiment sur-utilisée, et il est pratiquement impossible pour vous de faire un jeu qui ne donne pas la sensation d’être un clone de Monopoly, Trouble, Sorry !, Echelles & Serpents, ou n’importe lequel de la myriade de jeux dont la mécanique cœur repose sur cela. En second, la mécanique prend pour l’essentiel la décision clef à chaque tour pour le joueur, alors le jeu prend des décisions intéressantes mais pas le joueur. En séparant l’intentionnalité du joueur de l’issue du jeu, vous finissez en général avec un jeu qui n’est pas particulièrement fun à jouer (même s’il a été fun à concevoir).
Si vous avez déjà conçu un ou plusieurs jeux complets avant mais ne vous voyez pas comme un game designer solide, suivez cette série de contraintes. Suivez toutes les contraintes du Cercle Vert au dessus. En plus, ajoutez une des contraintes suivantes. C’est votre choix, basé entièrement sur votre domaine d’intérêt dans le game design :
- Concevez votre jeu de telle manière qu’il ait un récit fort intégré qui soit interactif d’une manière ou d’une autre. Vous aurez à penser aux manières de raconter une histoire à travers les actions du joueur dans jeu de plateau, et comment intégrer le récit aux mécaniques de jeu. Si vous vous intéressez principalement aux jeux de rôle ou d’autres formes de narration, faites cela.
- Créez un jeu de plateau purement coopératif pour deux joueurs ou plus, de manière à ce que tout le monde gagne ou perde en équipe. C’est un challenge pour différentes raisons. Le jeu doit fournir un système qui est l’opposition, comme les joueurs ne se fournissent pas d’adversité les uns les autres. Les jeux coopératifs en général ont un problème où un seul joueur compétent peut diriger tous les autres joueurs (vu que tout le monde coopère, après tout), ce qui mène à une Esthétique MDA où la plupart des joueurs s’ennuient parce qu’un autre joueur leur simplement quoi faire. Si vous êtes intéressés dans les dynamiques sociales des jeux, choisissez-cela.
- Faites une jeu à deux joueurs en face à face avec de l’asymétrie : les joueurs démarrent avec des ressources, des positions, de capacités inégales, et ainsi de suite… et pourtant ils sont équilibrés même s’ils sont plutôt différents. Les cœurs de ces jeux ne sont pas si difficiles à concevoir, mais ils sont très difficiles à équilibrer. Si vous êtes intéressés dans le côté technique et mathématique du game design, essayez cela.
- Créez un jeu pour enseigner n’importe quel sujet qui est normalement enseigné au niveau lycée (avant les études supérieures). C’est à vous de choisir si vous enseignez un fait restreint et spécifique, ou un large concept. Le challenge ici, bien entendu, est de démarrer avec un jeu fun et ne de faire en sorte que l’éducation n’entrave pas cela. Si vous êtes intéressés par les « serious games » (les jeux qui ont un propos autre que le divertissement pur), alors faites ce projet.
Si vous avez conçu de nombreux jeux professionnellement et vous vous considérez comme très expérimenté, suivez cette série de contraintes. Ignorez tout ce qui précède. Vous devez créer un jeu de plateau qui utilise une mécanique de « roll-and-move » comme gameplay primaire. Mais faites le bien.
Cette mécanique est largement sur-utilisée dans les jeux. Elle crée aussi une séparation entre les décisions du joueur et les actions que le joueur prend sur le plateau. Il est ainsi extrêmement difficile de concevoir un jeu qui utilise cette mécanique d’une manière qui paraît fraîche, originale, et attrayante. Mais je suis certain que si vous avez déjà atteint ce stade dans votre carrière, vous êtes prêt pour le challenge.
Et si je ne veux pas faire un jeu de plateau ?
Certains d’entre vous ont exprimé un fort intérêt pour les jeux de plateau et sont avides de démarrer. Ne me laissez pas vous retenir. Réalisez que vous êtes une minorité chanceuse.
Certains d’entre vous sont plus intéressés pour faire des jeux vidéo. Je vous rappellerai que la vaste majorité de votre temps à faire un jeu vidéo sera dépensée à créer des éléments graphiques et programmer du code, et si vous voulez apprendre le game design alors vous devriez choisir une action où le principal de votre temps est passé à concevoir le jeu. Les principes et les concepts du game design sont principalement les mêmes, que vous travailliez sur des cartes ou du code, alors si vous avez les compétences pour concevoir des jeux vidéo vous devriez être capables d’utiliser ces mêmes compétences pour faire un jeu de plateau.
Certains d’entre vous ont exprimé un intérêt dans la création de jeux de rôle sur table. Je vous rappellerai qu’évaluer le design d’un jeu de rôle est difficile, car un MJ4 et des joueurs compétents peuvent sauver un système faible (ou à l’inverse, des joueurs suffisamment inexpérimentés peuvent ruiner une système parfaitement bon). Cela rendra le playtesting bien plus difficile à évaluer, alors vous trouverez utile de faire la main sur un projet de jeu de plateau en premier. Notez que la ligne entre le jeu de plateau et le jeu de rôle s’est estompée dans les dernières années, en prenant en compte les jeux de plateau lourdement narratifs comme Android et les jeux de rôles lourdement mécaniques comme D&D 4eme Edition.
Certains d’entre vous pourraient avoir des contraintes supplémentaires du monde réel. Vous pourriez avoir des contraintes financières, et alors vous ne pourriez pas dépenser plus d’une certaine quantité d’argent sur votre prototype. Vous pourriez vivre dans un endroit reculé où les matériel de prorotypage est rare, et vous aurez à faire avec ce que vous avez. Vous pourriez avoir moins de temps que d’habitude à vouer à votre projet, dans ce cas vous aurez besoin de concevoir un jeu qui a un temps de partie court (de manière à ce que vous puissiez playtester et itérer plus fréquemment en moins de temps.) Si vous avez des contraintes de votre vie qui affectent ce projet, considérez qu’elles font partie du projet. Un designer ne devrait pas se plaindre de leur manque de ressources pour faire le jeu qu’il souhaite ; au lieu de cela, il devrait trouver un moyen de faire le meilleur jeu possible avec les ressources dont il dispose.
Homeplay
I ask three things of you:
- Start generating ideas for your Design Project now, based on the constraints above. As I mentioned earlier, keep them in a notebook or some other place where they will not get lost, and that you keep with you constantly so that you can write down your ideas as you think of them.
- By Wednesday, August 5, noon GMT: look over your ideas and post your three favorites on the forum. Note that this is a day earlier than usual, in order to give time for feedback.
- By Thursday, August 6, noon GMT: read the posts of two other people at your same skill level, and provide constructive comments on their ideas. If you posted in Blue Square or Black Diamond, also critique three others at a skill level below yours. If you see posts with no responses, reply to those first, so that everyone can have at least some feedback.
You may also use Twitter (with the #GDCU tag) to ask for immediate feedback of ideas as they occur to you.
Article précédent : Niveau 10 – La narration non-linéaire
Article suivant : Niveau 12 – Le test en solo
1 Le terme « blindtest » signifie « test à l’aveugle ». Son usage est suffisamment courant pour être utilisé comme tel.
2 Le terme anglais est Tradeable Collectable Card Game – TCG
3 L’expression « roll-and-move » signifie « lancer (le dé) et avancer (le pion). Son usage est souvent péjoratif et suffisamment fréquent pour être utilisé comme tel.
4 Les initiales MJ signifient « Maître de Jeu » – la personne qui conduit la partie de jeu de rôle pour le reste des joueurs.