L’article original « Level 7: Advancement, Progression and Pacing » a été écrit par Ian Schreiber et fait partie d’un cours de game design en ligne, publié sur le blog Game Balance Concepts.
L’article original et cette traduction sont publiés sous licence Creative Commons (Attribution).
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Lectures / Jeux
Aucun cette semaine (autre que cet article).
Réponses à la question de la semaine dernière
Si vous voulez vérifier votre réponse à la question de la semaine dernière :
Bien, je dois avouer que je ne suis pas certain si c’est la bonne réponse ou non. En théorie je pourrai écrire un programme pour réaliser une résolution en force brute des douze tours – si chaque tour est soit Swarm, Boost ou Rien (simplement ne rien construire à cette endroit), et alors il n’y a « que » 3^12 possibilités – mais je n’ai pas le temps de faire cela en ce moment. Si quelqu’un a une meilleure solution, merci de la poster ici !
En bidouillant à la main dans un tableur, le mieux auquel je sois arrivé était les lignes du haut et du bas composées de quatre tours Swarm, avec la ligne du centre contenant quatre tours Boost, ce qui produit un ratio de dégâts par coût de 1,21.
Les deux tours Boost au centre donnent +50% de dégâts aux six tours Swarm qui les entourent, fournissant ainsi un bonus de dégâts de 1440 chacune, alors que les deux tours Boost sur les côtés soutiennent quatre tours Swarm pour un bonus de dégâts de 960 chacune. En moyenne, donc, les tours Boost fournissent 1200 dégâts pour un coût de 500, ou un ratio de dégâts par coût de 2,4.
Chaque tour Swarm fournit 480 dégâts (x8 = 3840 dégâts au total). Chaque tour coûte 640, pour un ratio de dégâts par coût de 0,75 chacune. Bien que cela soit moins efficace que les tours Boost, les tours Swarm sont toujours nécessaires ; supprimer l’une d’entre elles rend les tours Boost alentours moins efficaces, alors en combinaison avec les tours Swarm elles sont plus rentables que ne pas en avoir.
Toutefois, les tours Boost sont bien plus rentables que les tours Swarm (et si vous regardez les autres types de tours, les tours Boost sont les tours les plus rentables dans le jeu, haut la main, lorsque vous partez du principe qu’elles sont entourées de tours complètements améliorées). La seule chose qui empêche les tours Boost de devenir la stratégie dominante à haut niveau de jeu, je pense, est que vous n’avez pas assez d’argent pour en faire une pleine utilisation. Un jeu typique qui dure 40 niveaux ne vous donnerait que quelques milliers de dollars, ce qui est juste assez pour construire une matrice mortelle de tours complètement améliorées. Ou, peut-être que vous avez l’opportunité de trouver une nouvelle stratégie dominante qui n’aurait pas déjà été découverte…
Cette semaine
Dans le syllabus cette semaine est listée comme « avancée, progression et cadence pour les jeux solo » mais j’ai changé d’avis. Beaucoup de jeux contiennent une forme d’avancée et cadence, même les jeux multijoueur. Il y a les jeux coopératifs multijoueur, comme les JdR Donjons & Dragons ou l’action-RGP sur console Baldur’s Gate : Dark Alliance et le jeu PC Left 4 Dead. Même dans les jeux multijoueur compétitifs, certains d’entre eux voient les joueurs progresser et devenir plus puissant durant la partie : les joueurs obtiennent plus des terrains et lancent des sorts plus puissants au fur et à mesure qu’une partie de Magic L’Assemblée progresse, alors que les joueurs réunissent des unités de plus en plus de puissantes pendant la fin de partie dans StarCraft. Et puis il y a les MMO comme World of Warcraft qui ont clairement la progression intégrée comme mécanique principale du jeu, même sur les serveurs PvP. Alors en plus des expériences solo comme votre Final Fantasy typique, nous parlerons aussi de ces choses : à la base, comment équilibrez-vous les mécaniques de progression ?
Attendez, c’est quoi l’équilibre, déjà ?
Tout d’abord, cela vaut le coup de se rappeler de ce qu’ « équilibre » signifie dans ce contexte. Comme je le disais dans l’introduction de ce cours, en terme de progression, il y a trois choses à considérer :
- Est-ce que le niveau de difficulté est approprié pour le public, où est-ce que le jeu est dans l’ensemble trop difficile ou trop facile ?
- Au fur et à mesure où le joueur progresse dans le jeu, nous nous attendons à ce que le jeu devienne plus difficile pour compenser l’augmentation du niveau de compétence du joueur parce qu’il devient meilleur ; est-ce que l’augmentation de difficulté augmente à bonne vitesse, où est-ce que cela devient plus difficile trop rapidement (ce qui mène à la frustration), ou est-ce que cela devient plus difficile trop lentement (ce qui mène à l’ennui alors que le joueur attend que le jeu redevienne challengeant) ?
- Si votre avatar augmente sa puissance, que ce soit en trouvant de nouveaux objets comme de meilleures armes, outils ou jouets, en faisant l’acquisition de nouvelles aptitudes, ou simplement en obtenant une augmentation brute de ses statistiques comme les Points de Dégâts, est-ce que vous les gagnez à bon rythme en comparaison de l’augmentation de la puissance de l’ennemi ? Ou est-ce que vous gagnez de la puissance trop rapidement (ce qui rend le reste du jeu trivial après un certain point), ou est-ce que vous gagnez de la puissance trop lentement (ce qui vous demande un meulage décérébré pour compenser, ce qui allonge artificiellement la partie au prix de forcer le joueur à rejouer le contenu qu’ils ont déjà maîtrisé) ?
Nous les étudierons chacun à leur tour.
Théorie du Flow
Si vous n’êtes pas familier avec le concept de « flow » alors relisez le cours de l’été dernier. Fondamentalement, cela dit que si le jeu est trop difficile pour votre niveau de compétence vous serez frustré, et s’il est trop facile vous vous ennuierez, mais si vous êtes mis à l’épreuve au sommet de vos capacités alors vous trouverez le jeu engageant et en général plus amusant, et l’un de nos objectifs en tant que concepteurs de jeu est de fournir un niveau de challenge adapté à nos joueurs.
Il y a deux problèmes ici. D’abord, tous les joueurs n’abordent pas au jeu avec le même niveau de compétence, alors ce qui est trop facile pour certains joueurs sera trop difficile pour d’autres. Comment donnez-vous à tous les joueurs la même expérience, mais faites en sorte qu’elle soit équilibrée pour chacun d’entre eux ?
Ensuite, au fur et à mesure où le joueur progresse dans le jeu, il devient meilleur, alors même si les niveaux de défi du jeu restent constants cela deviendra plus facile pour le joueur.
Comment résoudre ces problèmes ? Et bien, c’est le sujet principal de cette semaine.
Pourquoi les mécaniques de progression ?
Avant de continuer, cela vaut toutefois la peine de se demander à quoi servent les mécaniques de progression pour commencer. Si nous devons dédier un dixième de ce cours à la progression dans un jeu, les mécaniques de progression devraient être un outil de design utile qui mérite qu’on en parle. Quelle en est son utilité ?
Terminer la partie
Dans la plupart des cas, la raison d’être de la progression est d’amener le jeu à sa conclusion. Pour les jeux les plus courts en particulier, l’idée est que la progression fait en sorte que le jeu se termine dans un temps bien encadré et raisonnable. Alors que vous fassiez un jeu qui doit durer 3 minutes (comme un jeu d’arcade du début des années 80) ou 30 à 60 minutes (comme un jeu de société familial) ou 3 à 6 heures (comme un jeu de guerre stratégique) ou de 30 à 300 heures (comme un RGP sur console), l’idée est que certains jeux ont une durée de jeu désirable, et si vous connaissez cette durée, la progression forcée le fait avancer pour garantir qu’il se terminera à l’intérieur de la plage de temps désirée. Nous parlerons plus en détail des durées de jeu optimales plus tard dans cet article.
Récompense et entraînement pour le jeu étendu (elder game)
Dans quelques cas spéciaux, le jeu n’a pas de fin (les MMO, Sims, JdR, ou jeux sur Facebook basés sur la progression), alors la progression est utilisée comme une structure de récompense et un simulateur pour s’entraîner pendant le début de partie plutôt qu’une manière de terminer le jeu. C’est un problème évident qui peut être remarqué dans à peu près tous ces jeux : à un certain stade, plus de progression ne fait simplement plus sens. Le joueur a vu tout le contenu qu’il avait besoin de voir dans le jeu, il a atteint le niveau maximal, il a déverrouillé toutes ses aptitudes spéciales dans son arbre de compétences, ses statistiques sont au maximum, ou que sais-je. Dans à peu près tous les cas, lorsque le joueur atteint ce point, il doit trouver quelque d’autre à faire, et il y a une transition abrupte dans ce qui est parfois appeler le « jeu étendu » où l’objectif change de la progression à quelque chose d’autre. Pour les joueurs qui sont habitués à la progression en tant qu’objectif, car c’est ce à quoi le jeu les a entraîné, cette transition peut être désagréable. Les gens qui apprécient la progression de début de partie peuvent ne pas apprécier autant les activités du jeu étendu car elles sont tellement différentes (et inversement, certaines personnes qui pourraient aimer le jeu étendu ne l’atteignent jamais parce qu’elles n’ont pas la patience de passer à travers le train-train de la progression).
Qu’est-ce qui se passe dans le jeu étendu ?
Dans les jeux Sims et Farmville, le jeu étendu est l’expression artistique : rendre votre ferme plus belle ou intéressante à regarder pour vos amis, ou mettre en place des sketches ou des histoires personnalisées avec vos Sims.
Dans les MMO, le jeu étendu consiste en raids de haut niveau qui demandent une coordination précise au sein d’un large groupe, ou des zones PvP où vous combattez d’autres joueurs humains en un contre un ou en équipes, ou explorez les aspects sociaux du jeu comme prend un rôle de coordinateur ou de meneur dans un Guilde.
Dans les JdR, le jeu étendu est consiste souvent à trouver un moyen élégant de faire prendre une retraite à vos personnages et clore leur histoire d’une manière qui soit suffisamment satisfaisante, ce qui est intéressant parce que dans ces jeux le « jeu étendu » est en général une quête pour terminer la partie !
Que se passe-t’il avec les jeux qui se terminent ?
Dans les jeux où la progression termine le jeu, il y a aussi un problème : en général, si vous gagnez assez de puissance en parcourant le jeu et que cela sert à récompenser le joueur, le jeu se termine dès que vous avez atteint le sommet de votre puissance. Cela signifie que vous n’aurez pas beaucoup le temps d’apprécier d’être au sommet du monde très longtemps. Si vous perdez de la puissance pendant la partie, ce qui peut arriver dans les jeux comme les Échecs, alors à la fin vous aurez juste sentiment que vous avez été plaqué sur terre pendant toute la durée de l’expérience, ce qui n’est pas forcément mieux.
Peter Molyneux avait pointé ce défaut en parlant du prochain Fable 3, dans lequel il insiste pour que vous atteignez le sommet de votre puissance très tôt, réussissiez à diriger le monde, et ensuite ayez à passer le reste du jeu à respecter les promesses que vous avez faites pour en arriver là… ce qui est un très bon slogan, mais ce qu’il dit en réalité est qu’il prend le modèle de progression standard d’un RPG sur console, le raccourcit, et ajoute un jeu étendu, ce qui signifie que Fable 3 vivra ou non sur sa capacité à délivrer une solide expérience de jeu étendu qui sera aussi plaisante pour les même types de joueurs qui ont apprécié atteindre cet état en premier lieu. Maintenant, je ne dis pas que cela ne peut pas être fait, mais il a encore du pain sur la planche. Dans l’entrevue que j’ai vue, il ne fait que remplacer un problème de conception difficile par un autre. Cela m’intéresse de savoir s’il le résout… parce que s’il le fait, cela aura des applications majeures pour les MMOs et Farmville et n’importe quel jeu entre les deux qui a un jeu étendu.
La progression tend à fonctionner différemment dans les jeux PvP comparativement aux jeux PvE. Dans les PvP (ce qui inclut du multijoueur PvP type « match à mort » et aussi les jeux solos joués contre des adversaires IA), vous essayez de gagner contre un autre joueur, humain ou IA, alors le sens de votre progression est relative à la progression de vos adversaires. Dans les jeux PvE (cela inclut à la fois les jeux solos et les jeux multijoueurs coopératifs) vous progressez à travers le jeu pour essayez de surmonter un défi et atteignez un état de jeu final, ainsi pour la plupart de ces jeux votre progression est vue en termes absolus. Et c’est la distinction principale que j’aimerai faire, que les jeux où l’attention est soit sur la puissance relative entre les parties prenantes, soit la puissance absolue au regard des systèmes principaux du jeu. J’utilise simplement « PvP » et « PvE » en raccourci ici, et si je dérape en utilisant « multijoueur » pour parler du PvP et « solo » pour parler du PvE c’est simplement parce que ce sont les motifs de conceptions les plus usuels.
Niveaux de challenge dans les PvE
Lorsque vous progressez à travers une poignée de défis dans un jeu, comment tracez-vous le niveau de challenge que le joueur ressent, et ainsi vous savez s’il augmente trop rapidement ou trop lentement, et quel niveau total de challenge est le bon ?
C’est de fait une question délicate à laquelle répondre, parce que la « difficulté » ressentie par le joueur n’est pas composée d’une seule chose ici, c’est réellement une combinaison de quatre choses, mais le joueur en fait l’expérience uniquement comme un unique sentiment « est-ce que je suis mis à l’épreuve ? ». Si nous essayons de mesurer la perception par le joueur du niveau auquel ils sont mis au défi, c’est comme si le tableau de bord de votre voiture prenait la quantité d’essence, la vitesse actuelle, le nombre de tours-minute et les multipliait ensemble pour obtenir un note unique de « bonheur », et vous ne pouvez voir que ce nombre pour essayer de déterminer ce qui le fait monter ou descendre.
Les quatre composants de la difficulté perçue
En premier, il y a le niveau de compétence du joueur dans le jeu. Plus le joueur est compétent dans le jeu, plus les challenges lui paraîtront faciles, indépendamment du reste.
En second, il y a le niveau de puissance du joueur dans le jeu. Même si le joueur n’est pas très bon dans le jeu, doubler ses Points de Vie lui permettra de rester en vie plus longtemps, augmenter sa statistique d’Attaque lui permettra de tuer des choses plus efficacement, et leur donner un Grappin leur permettra d’atteindre des endroits qu’ils ne pouvaient pas auparavant, et ainsi de suite.
En troisième et en quatrième, il y a le revers de ces deux choses, qui sont la manière dont le jeu crée les défis pour le joueur. Le jeu peut créer des défis basés sur la compétence qui demandent au joueur d’acquérir une plus grande quantité de compétence dans le jeu, par exemple, en introduisant de nouveaux ennemis avec une meilleure IA et les rendre plus difficiles à tuer. Ou il peut fournir des défis basés sur la puissance, en augmentant les points de vie et la puissance d’attaque ou d’autres statistiques des ennemis dans le jeu (ou simplement en ajoutant plus d’ennemis dans une zone) sans réellement rendre les ennemis plus compétents.
La compétence et la puissance sont interchangeables
Vous pouvez substituer la compétence et la puissance, jusqu’à un certain point, que ce soit du côté du joueur ou du côté du défi. Nous faisons cela tout le temps du côté du défi, en ajoutant des points de vie supplémentaires ou de la génération de ressources ou autre simplement pour utiliser la même IA mais en augmentant les chiffres, et en prévoyant que le joueur aura soit à avoir de meilleures statistiques par lui-même ou soit à montrer un niveau de compétence plus élevé de manière à compenser. Or un joueur qui trouve un jeu trop facile peut se mettre à épreuve lui-même en ne trouvant pas tous les power-ups dans un jeu, en se donnant moins de puissance ou en se reposant sur un niveau de jeu plus élevé pour compensze (je suis certain qu’au moins une partie d’entre vous avez essayé de battre le premier Zelda uniquement avec l’épée en bois, pour voir si c’était possible). Créer une IA plus forte pour mettre à l’épreuve le joueur est plus difficile et plus coûteux, alors très peu de jeux le font (bien que les résultats tendant à être spectaculaires lorsqu’ils le font – je pense notamment à Gunstar Heroes en tant qu’exemple prototypique).
À n’importe quel momoent, nous pouvons voir le niveau de challenge comme la somme de la compétence et la puissance du joueur, retranché des challenges de compétence et de puissance du jeu. Cette différence nous donne le niveau de difficulté perçu par le joueur. Ainsi, lorsqu’un de ces éléments change, le joueur sentira que le jeu devient plus difficile ou plus facile. Écrit mathématiquement, nous avons cette équation :
DifficultéPerçue = (ChallengeDeCompétence + ChallengeDePuissance) – (CompétenceDuJoueur + PuissanceDuJoueur)
Exemple : le challenge perçu décroît naturellement
Comment pouvons-nous utiliser cette information ? Prenons la compétence du joueur, qui en général augmente au cours du temps. C’est significatif, parce que cela veut dire que si tout le reste est identique, c’est-à-dire que si le niveau de puissance du joueur et le niveau de challenge global dans le jeu restent les mêmes, au fil du temps le joueur sentira que le jeu devient plus facile, et finira par devenir trop facile. Pour conserver l’attention du joueur une fois qu’il devient meilleur, chaque jeu doit devenir plus difficile d’une manière où d’une autre. (Ou au moins, chaque jeu où les compétences du joueur peuvent augmenter. Il existe certains jeux avec aucun élément de compétence, et ceux-là sont exemptés ici).
Changer la compétence du joueur
Maintenant, vous pourriez penser que la courbe de compétence du joueur n’est pas sous notre contrôle. Après tout, les joueurs viennent à notre jeu avec des niveaux de compétence pré-existants, et ils apprennent à différents rythmes. Toutefois, en tant que concepteurs, nous avons de fait un peu de contrôle sur cela, sur la base de nos mécaniques :
- Si nous concevons des mécaniques avec de la profondeur qui interagissent de plein de façons différentes avec de multiples couches de stratégie, alors maîtriser le jeu de base ne fait qu’ouvrir de nouvelles manières de regarder le jeu à un méta-niveau plus abstrait, la courbe de compétence du joueur pourra augmenter pendant longtemps, probablement avec des sauts bien définis lorsque le joueur a finalement maîtrisé certains schémas de pensée, comme lorsqu’un joueur d’Échecs apprend pour la première fois à apprendre les ouvertures, ou lorsqu’il commence à comprendre les compromis entre le tempo versus le contrôle du plateau versus le total des pièces sur le plateau.
- Si votre jeu est plus superficiel, ou possède une grande part de chance, nous pouvons nous attendre à avoir une courte augmentation en compétence au fur et à mesure où le joueur maîtrise le peu qu’il peut, et puis ensuite la compétence atteint un plateau. Il y a beaucoup de justifications de conception valides de faire cela intentionnellement. Un exemple usuel sont les jeux éducatifs, ou une partie de la vision principale est que vous voulez que le joueur apprenne une nouvelle compétence du jeu, et ensuite vous voulez qu’il arrête de jouer de manière à ce qu’il puisse apprendre d’autres choses. Ou cela pourrait simplement être que le compromis pour rendre votre jeu accessible : « une minute à apprendre, une minute à maîtriser ».
- Vous pouvez aussi contrôler à quelle vitesse le joueur apprend, sur la base du nombre de didacticiels et zones d’apprentissage que vous fournissez. Un motif de conception usuel, popularisé par Valve, est de donner au joueur une nouvelle arme, outil ou jouet dans une zone sans danger où il peut simplement s’amuser avec, et puis lui présenter immédiatement une zone relativement facile où on lui propose une série de défis assez simples qui lui permet d’utiliser son nouveau jouet et apprendre toutes les choses sympas qu’il peut faire, et ensuite vous les mettez face à un défi plus difficile où il doit intégrer son nouveau jouet dans son style de jeu existant et le combiner avec d’autres jouets. En concevant vos niveaux pour apprendre au joueur des compétences spécifiques dans certaines zones, vous faites progresser le joueur plus rapidement de manière à ce qu’il augmente ses compétences plus vite.
- Et si vous ne voulez pas que le joueur augmente ses compétences rapidement, parce que vous voulez que le jeu dure plus longtemps ? Si vous voulez que le joueur apprenne plus lentement, vous pouvez à la place utiliser une « barrière de compétence » comme je l’ai appelée auparavant. C’est-à-dire que vous n’apprenez pas nécessairement au joueur comment jouer au jeu, ou ne lui tenez pas la main tout du long. À la place, vous proposez simplement un ensemble de défis de plus en plus difficiles, et vous être au moins certain que si un joueur complète un défi, il est prêt pour le suivant ; chaque challenge est par essence un panneau disant « vous devez être au moins AUSSI BON pour continuer ».
Mesurer les éléments du challenge perçu
Les compétences du joueur sont difficiles à mesurer mathématiquement en tant que telles, parce que comme je le disais avant, elles sont combinées avec la puissance du joueur dans n’importe quel jeu qui inclut les deux. Pour le moment, je peux dire que la meilleure façon d’avoir une prise sur cela est d’utiliser le playtest et les métriques, par exemple en observant à quelle fréquence les joueurs meurent ou essuient des revers, où les échecs surviennent, et combien de temps cela prend aux joueurs pour parcourir un niveau la première fois qu’il le découvre et ainsi de suite. Nous en parlerons plus la semaine prochaine.
La puissance du joueur et les défis basés sur la puissance sont bien plus faciles à équilibrer mathématiquement : comparez simplement la courbe de puissance du joueur avec la courbe de puissance de l’adversité dans le jeu. Vous avez un contrôle complet sur les deux ; vous contrôlez quand le joueur gagne de la puissance, et aussi lorsque ses ennemis présentent une grande quantité de puissance pour le contrer. À quoi voulez-vous que ces courbes ressemblent ? Cela dépend en partie de ce à quoi vous vous attendez que la courbe ressemble, comme vous pouvez utiliser la puissance comme mécanisme compensatoire dans n’importe quelle direction. En tant que ligne directrice principale, le motif le plus courant que j’ai vu ressemble à quelque chose comme ça : à l’intérieur d’une zone comme un donjon isolé ou un niveau, vous démarrez avec un bond soudain dans la difficulté puisque le joueur entre dans un nouvel espace après avoir maîtrisé le précédent. Au fil du temps, la puissance du joueur augmente, soit à travers des montées de niveau ou des objets de butin, jusqu’à ce qu’il a atteigne la fin du niveau où il peut y avoir un autre saut soudain de difficulté sous la forme d’un boss, et après cela typiquement un autre saut dans la puissance du joueur lorsqu’il obtient le butin du boss ou atteint une nouvelle zone qui lui permet d’améliorer son personnage.
Certains donjons sont eux-mêmes divisés en plusieurs parties, avec une partie facile au début, puis un boss de mi-parcours, puis une partie plus difficile, et enfin un boss final, mais en réalité vous pouvez simplement voir cela comme le même motif répété plusieurs fois sans changer de décor. Mettez-en bout à bout plusieurs et c’est la progression en puissance de votre jeu : la difficulté bondit initialement en arrivant dans une nouvelle zone, reste constante pendant un moment, puis a un saut soudain à la fin pour le boss, et ensuite redescend ; pendant ce temps là, la puissance du joueur a des saut soudains à la fin d’une zone, avec des gains incrémentaux le long du chemin alors qu’il trouve de nouveaux objets ou monte de niveau.
Cela dit, ce n’est pas le seul motif de progression de puissance, même pas nécessairement le meilleur pour votre jeu ! Ils vont varier en fonction du genre et le public cible. Pour Space Invaders, sur la durée d’une seule partie, la puissance des défis du jeu, la compétence du joueur et la puissance du joueur sont toutes constantes ; la seule chose qui augmente est le challenge de compétence du jeu (en faisant démarrer les aliens plus vite et plus près du sol à chaque vague successive) jusqu’à ce qu’ils présentent un défi suffisamment difficile pour submerger le joueur.
Les récompenses en PvE
Dans les jeux PvE en particulier, la progression est fortement liée à ce qui est parfois appelé le « planning de récompense » (reward schedule) ou « cycle de risque / récompense ». L’idée est que vous ne voulez pas simplement que le joueur progresse, vous voulez qu’il sente qu’il est récompensé pour bien jouer. En un sens, vous pouvez voire la progression comme une récompense elle-même : comme le joueur avance dans le jeu et démontre une maîtrise, la capacité à progresser dans le jeu montre au joueur qu’il fait les choses bien et renforce le fait qu’il est un bon joueur. Un corollaire ici est vous avez besoin de faire en sorte que le joueur remarque que vous le récompensez (en pratique, ce n’est pas tellement un problème). Un autre corollaire est que le choix du moment est important lorsque vous distribuez des récompenses :
- Donner trop peu de récompenses, ou trop les espacer dans le temps de telle manière que le joueur parcourt de longues sections sans avoir la sensation de progression, est en général une mauvaise chose. Le joueur est démoralisé et peut commencer à sentir qu’il ne progresse plus, qu’il joue mal au jeu (même s’il s’en tire bien).
- Ironiquement, donner trop de récompenses peut aussi être dangereux. Une des choses que j’ai apprises de la psychologie est que le bonheur vient de l’expérience d’une forme de gain ou d’amélioration, alors beaucoup de petits gains produisent bien plus de bonheur qu’un seul gros gain, même s’ils s’ajoutent pour faire la même chose. Donner trop de grosses récompenses dans un petit espace de temps diminue leur impact.
- Une autre chose que nous savons de la psychologie est qu’un planning de récompense aléatoire est plus puissant qu’un planning fixe. Cela ne veut pas dire que les récompenses elles-même devraient être arbitraires ; elles devraient être liées à la progression du joueur pendant la partie, et elle devraient arriver en résultat direct de ce que le joueur a fait, de manière à ce que le joueur ait une sensation d’accomplissement. Il est bien plus puissant de récompenser le joueur à cause d’une action délibérée dans le jeu, que le récompenser pour quelque chose dont il n’a pas connaissance et n’a même pas tenté de faire.
Je vais donner quelques exemples :
- Avez-vous déjà débuté un nouveau jeu sur Facebook et avez reçu immédiatement une sorte de trophée ou bonus « prouesse déverrouillée » (achievement unlocked) simplement pour vous connecter la première fois ? Je pense que c’est une erreur que de nombreux jeux Facebook font : ils donnent une récompense qui semble arbitraire, et qui dilue de fait les futures prouesses du joueur plus tard. Cela donne l’impression que le jeu est trop facile. Maintenant, pour certains jeux, vous pourriez vouloir qu’ils aient l’air facile, s’ils sont destinés à un public extrêmement occasionnel, mais le danger est la réduction des sentiments réels et non faussés d’accomplissement que le joueur aura plus tard.
- Les « prouesses cachées » dans les jeux Xbox 360, ou leur équivalent sur les autres plate-formes. Si les prouesses sont une récompense pour la compétence, comment est-ce que le joueur peut avoir connaissance de cette prouesse si elle est cachée ? Encore plus énervant, beaucoup de ces prouesses concernent des choses qui ne sont pas réellement contrôlées par le joueur et semblent assez arbitraires, comme « faites exactement 123 dégâts sur une attaque unique » alors que les dégâts sont calculés aléatoirement. Pour quoi est-ce que le joueur est censé être récompensé ici ?
- Un exemple positif serait les lâchers de butin aléatoires dans un jeu d’action typique comme un action-RPG. Alors qu’ils sont aléatoires, et le joueur obtient occasionnellement un objet vraiment sympa, cela est lié à l’action délibérée du joueur de battre les ennemis, alors le joueur est récompensé mais sur un planning aléatoire. (Notez que vous pouvez vous amuser avec « l’aléatoire » ici, par exemple en ayant votre jeu qui trace le temps entre les lâchers de butin rare, et faire en sorte de donner délibérément une grosse récompense si le joueur n’en a pas vu depuis un moment. Certains jeux coupent la poire en deux, avec des lâchers aléatoires et aussi des lâchers fixes venant de quêtes et boss spécifiques, de manière à ce que le joueur obtienne au moins quelques bons objets de temps à autre.
- Un autre exemple usuel : le joueur est récompensé par une cinématique une fois qu’il atteint un certain point dans un donjon. Maintenant, à première vue vous pourriez dire que cela n’est pas aléatoire – cela arrive exactement au même endroit dans le jeu, à chaque fois, parce que le concepteur de niveau a scripté cet événement pour arriver exactement à cet endroit ! Et sur de nombreux parcours vous seriez correct… mais la première fois qu’un joueur fait l’expérience du jeu, il ne sait pas où se trouvent ces récompenses, alors du point de vue du joueur ce n’est pas quelque chose qui peut être prédit ; et cela pourrait aussi bien être aléatoire.
Maintenant j’aimerai parler de trois types de récompenses qui se relient à la progression : augmenter la puissance du joueur, les transitions entre niveaux, et la progression de l’histoire.
Récompenser le joueur avec une augmentation de puissance
La progression marquée par l’acquisition d’un nouveau jouet / objet / aptitude qui augmente de fait les options du joueur est un autre jalon spécial. Comme nous l’avons dit avant, vous voulez les espacer, bien que de nombreuses fois je vois le joueur recevoir tous les jouets sympas au premier tiers ou à la moitié du jeu et ensuite il passe le reste du jeu à trouver des façons nouvelles et intéressantes de les utiliser. Cela peut parfaitement être un design valide ; si le jouet le plus amusant dans votre jeu est uniquement découvert au 2/3 du chemin, cela fait beaucoup de temps pendant lequel le joueur ne s’amusera pas – Valve en avait fait un fameux exemple avec le Fusil à Gravité dans Half-Life2 : comme le dit l’histoire, ils vous donnaient initialement ce fusil près de la fin du jeu, mais les joueurs se sont tellement amusés avec qu’ils ont restructuré leurs niveaux pour le donner au joueur bien plus tôt. Pourtant, si vous donnez au joueur accès à tout très tôt, vous avez besoin d’utiliser d’autres types de récompenses pour le garder engagé durant les parties finales du jeu où il ne trouvera pas de nouveaux jouets. Comment pouvez-vous faire cela ? Voici quelques moyens :
- Si vos mécaniques ont beaucoup de profondeur, vous pouvez simplement présenter des combinaisons uniques de choses pour garder le joueur challengé et engagé. (C’est réellement difficile à faire en pratique)
- Utilisez généreusement d’autres récompenses une fois que vous n’avez plus de nouveaux jouets : plus d’histoire, plus d’augmentation de statistiques, des transitions de niveau ou combats de boss plus fréquents. Vous pouvez aussi offrir des améliorations à leurs nouveaux jouets, bien que cela puisse être débattu que vous puissiez voir une « amélioration » comme une autre façon de dire « nouveau jouet »).
- Ou vous pouvez, vous savez, raccourcir votre jeu. À notre époque, heureusement, ce n’est pas honteux. Portal et Braid sont tous deux bien connus pour deux choses : être vraiment de très bons jeux, et être courts. Au niveau des AAA à grand budget, Batman : Arkham Asylum était l’un des meilleurs jeux de l’année passée (à la fois dans la réception critique et dans les ventes), bien que j’ai entendu qu’il ne durait qu’une dizaine d’heures environ.
Récompenser le joueur avec les transitions de niveau
La progression à travers les transitions de niveau – c’est-à-dire, la progression vers une nouvelle zone – est un type spécial de récompense, parce qu’elle fait sentir au joueur qu’il va de l’avant (et c’est le cas !). Vous voudrez les espacer un peu de manière à ce que le joueur ne soit pas trop noyé par les changements au point de ressentir que le jeu avance toujours un peu sans lui ; une règle de base est d’offrir de nouveaux niveaux ou zones sur une courbe qui augmente légèrement, où chaque niveau dure un tout petit peu plus que le précédent. Cela fait que le joueur sent qu’il avance plus rapidement au début du jeu lorsqu’il n’est pas encore investi dans l’issue de la partie ; un joueur peut tolérer des sections un peu plus longues entre les transitions près de la fin du jeu, en particulier si elles mènent à un point majeur de l’intrigue. Étrangement, beaucoup de cela peut être fait avec simplement le design visuel du niveau, ce qui, il faut le dire nous fait passer de la conception de jeu au domaine de l’art du jeu : par exemple, si vous avez un donjon très long que les joueurs traversent, vous pouvez ajouter des choses pour faire en sorte que chaque région du donjon soit différente, peut-être en ayant la couleur ou la texture sur les murs qui change au fur et à mesure où le joueur s’enfonce plus profondément, pour donner au joueur la sensation qu’il va de l’avant.
Récompenser le joueur avec la progression de l’histoire
La progression à travers l’avancement de l’intrigue est intéressante à analyser, parce que l’histoire est distincte de la jouabilité de nombreuses manières : dans la plupart des jeux, connaître les motivations des personnages ou leurs sentiments qu’ils ont les uns envers les autres n’a absolument aucun sens lorsque vous gérez des choses comme les mécaniques de combat. Et pourtant, dans de nombreux jeux (à l’origine c’était restreint au JdR, mais nous voyons que l’histoire est intégrée à de nombreux types de jeux de nos jours), la progression de l’histoire est l’une des récompenses qui fait partie du cycle de récompense.
En plus de cela, l’histoire elle-même possède une sorte de « difficulté » (nous appelons cela la « tension dramatique »), alors une autre chose à prendre en considération dans les jeux basés sur l’histoire est de savoir si la tension dramatique de l’histoire se superpose bien avec la difficulté d’ensemble du jeu. Ce n’est pas le cas pour de nombreux jeux : le climax de l’histoire est à la fin, mais la partie la plus difficile du jeu est quelque part au milieu, avant que vous ne trouviez une arme super-puissante qui rend trop facile le reste du jeu. En général, vous voulez une tension qui augmente dans votre histoire, en même temps que la courbe de difficulté croît, des climax dramatiques dans les parties les plus difficiles, et ainsi de suite ; cela fait que l’histoire s’intègre mieux avec les mécaniques, mais voilà. (Je pense qu’une autre façon de faire cela serait de contraindre les scénaristes à placer leur drame dans d’autres endroits pour correspondre à la courbe de difficulté du jeu, mais en pratique je pense que c’est plus facile de changer quelques valeurs plutôt que changer l’histoire).
Combiner les types de récompenses dans un seul planning de récompense
Notez qu’une récompense est une récompense, alors vous ne voulez pas seulement espacer les différentes catégories de récompense individuellement, mais aussi les entrelacer. En d’autres termes, vous n’avez pas besoin d’avoir beaucoup de superposition, où vous avez une transition de niveau, une progression d’intrigue, et un augmentation du niveau de puissance en même temps.
Les transitions de niveau sont fixes, alors vous avez tendance à voir les récompenses de puissance saupoudrées à travers les niveaux en tant que récompenses entre les transitions. Étrangement, en pratique, beaucoup d’avancement de l’intrigue tend à arriver au même moment que les transitions de niveau, ce qui pourrait être une opportunité manquée. Certains jeux tentent leur chance en ajoutant un peu d’histoire antérieure au milieu des niveaux, dans les zones qui sont par ailleurs peu intéressantes… bien que le danger soit que le joueur reçoive une récompense de façon arbitraire lorsqu’il sent qu’il ne faisait pas grand chose à part marcher et explorer. Un motif de conception usuel que je vois dans ce cas est de couper la poire en deux en scriptant l’avancement de l’intrigue de façon à ce qu’elle suive immédiatement un combat ou autre. Même si c’est un combat relativement facile, si c’est celui qui est scripté, la récompense qui consiste à révéler un bout d’histoire supplémentaire immédiatement après peut faire sentir au joueur qu’il l’a mérité.
Niveaux de challenge en PvP
Si les jeux PvE sont très centrés sur la progression et les récompenses, les jeux PvP sont plus centrés sur les gains et les pertes comparativement à vos adversaires. Que ce soit directement ou indirectement, le but est de gagner suffisamment de puissance pour gagner la partie, et il existe une forme de lutte entre les joueurs car chacun essaie d’arriver le premier. Je vous rappellerai que lorsque je parle de « puissance » dans le contexte de la progression, je parle de la somme de tous les aspects de la position du joueur dans le jeu, alors cela inclut d’avoir plus de pièces ou cartes mises en jeu, plus de ressources, de meilleures positions sur le plateau, avoir plus de tours ou d’actions, ou en réalité n’importe quoi qui affecte la position du joueur (autre que le niveau de compétence du joueur dans le jeu). La condition de victoire dans le jeu est parfois d’atteindre directement un certain niveau de puissance ; parfois c’est indirect, où la condition est quelque chose d’abstrait comme des Points de Victoire, et c’est la puissance du joueur dans le jeu qui leur permet simplement de marquer des Points de Victoire. Et dans certains cas, les joueurs ne gagnent pas de puissance, mais en perdent, et l’objet du jeu est de faire en sorte que le ou les adversaires la perde toute en premier. Dans certains cas, gagner de la puissance comparativement à vos adversaires est en général un but important pour le joueur.
Tracer la puissance du joueur au fur et à mesure où le jeu progresse (c’est-à-dire, voir comment la puissance change au cours du temps dans un jeu temps-réel, ou comment elle change à chaque tour dans un jeu au tour par tour) peut prendre différentes formes dans les jeux PvP. Dans les PvE vous voyez presque toujours une augmentation dans la puissance absolue du joueur au cours du temps (même si leur puissance peut augmenter ou diminuer en comparaison des défis alentours, selon le jeu). Dans les jeux PvP il y a plus d’options avec lesquelles jouer, comme tout est relatif aux adversaires et non comparé avec une sorte de mesure absolue « vous devez être AUSSI BON pour gagner le jeu ».
Jeux à somme positive, à somme négative, et à somme nulle
Cela me paraît être un moment aussi bon qu’un autre pour parler d’une distinction importante dans la progression basée sur la puissance que nous empruntons au domaine de la Théorie des Jeux : savoir si le jeu est à somme nulle, à somme positive ou à somme négative. Si vous n’avez jamais entendu parler de ces termes auparavant :
- La somme positive signifie que la puissance globale dans le jeu augmente au cours du temps. Les Colons de Catane est un exemple de jeu à somme positive : à chaque lancer de dé, les ressources sont générées pour les joueurs, et tous les joueurs peuvent gagner de la puissance simultanément sans qu’aucun de leurs adversaires n’en perde. Le Monopoly est un autre exemple de jeu à somme positive, parce qu’en moyenne, chaque tour autour du plateau rapportera 200 $ au joueur (et cet argent vient de la banque, pas des autres joueurs). Alors qu’il y a quelques cases qui retirent de la richesse du jeu et sont ainsi à somme négative (Impôt sur le Revenu, Taxe de Luxe, quelles cartes Chance ou Caisse de Communauté, des propriétés non hypothéquées, et parfois la Prison), en moyenne ces pertes représentent moins de 200 $, alors en moyenne plus de richesse est créée que détruite au cours du temps. Certains joueurs utilisent des règles maison qui attribuent des jackpots sur le Parking Gratuit ou bien pour atterrir exactement sur la case Départ, ce qui rend le jeu encore plus à somme positive. Alors que vous pouvez perdre beaucoup d’argent à d’autres joueurs en atterrissant sur leur propriété, cette activité elle-même est à somme nulle (un joueur perd de l’argent et un autre joueur en gagne exactement le même montant). Cela permet d’expliquer pourquoi le Monopoly donne la sensation pour beaucoup de gens qu’il dure éternellement : c’est un jeu à somme positive alors la richesse moyenne des joueurs augmente au cours du temps, mais l’objectif du jeu est d’amener vos adversaires à la banqueroute, ce ne peut être fait qu’à travers des méthodes à somme zéro. Et les règles maison avec lesquelles la plupart des gens jouent ne fait qu’augmenter la nature à somme positive du jeu, ce qui empire le problème !
- La somme nulle signifie que la somme de toute le puissance dans le jeu est une constante, et qu’elle ne peut ni être créée ou détruite par le joueurs. En d’autres termes, la seule façon pour moi de gagner de la puissance est d’en prendre à un autre joueur, et je gagne exactement autant que ce qu’il perd. Le Poker est un exemple de jeu à somme nulle, parce que la seule façon de gagner de l’argent est le prendre à d’autres joueurs, et vous gagnez exactement autant que le total de ce que les autres perdent. (Si vous jouez dans un casino ou en ligne, où la Maison prend un pourcentage à chaque pot, cela devient de fait un jeu à somme négative pour les joueurs).
- La somme négative signifie qu’au cours du temps, les joueurs perdent plus de puissance qu’ils n’en gagnent ; les actions du joueur retirent de la puissance du jeu sans la remplacer. Les Échecs sont un bon exemple d’un jeu à somme négative ; en général au cours du temps, votre force devient plus petite. Capturer les pièces de votre adversaire ne vous donne pas ces pièces, cela les retire du plateau. Les Échecs n’a pas d’éléments à somme nulle, où capturer une pièce ennemie vous donne cette pièce (bien que le jeu apparenté Shogi fonctionne de cette façon, et a des dynamiques de jeu très différentes en résultat). Les Échecs ont un élément à somme positive, la promotion du Pion, mais qui arrive en général très rarement et seulement à la fin de la partie, et sert le propos important d’ajouter une boucle de rétroaction positive pour amener le jeu à son terme… quelque chose dont je parlerai dans un instant.
Une propriété intéressante ici est que les changements dans la puissance du joueur, que ce soit à somme nulle, à somme positive ou à somme négative, sont les récompenses primaires dans un jeu PvP. Le joueur se sent récompensé parce qu’il a acquis de la puissance comparativement à ses adversaires, alors il sent qu’il a de meilleures chances de gagner après avoir joué un coup particulièrement bon.
Les boucles de rétroaction positive et négative
Une autre chose que je devrais mentionner ici concerne la façon dont les boucles de rétroaction positive et négative s’insèrent dans tout ça, parce que vous pouvez avoir n’importe quel type de boucle de rétroaction avec un jeu à somme nulle, à somme positive ou à somme négative, mais elles fonctionnent différemment. Dans le cas où vous ne seriez pas familier de ces termes, une « boucle de rétroaction positive » signifie que recevoir une récompense sous forme de puissance fait que vous avez plus de chances d’en recevoir plus à l’avenir, en d’autres termes, elle vous récompense pour bien jouer et punit pour mal jouer ; une « boucle de rétroaction négative » est l’opposée, où recevoir une récompense sous forme de puissance fait que vous avez moins de chance d’en recevoir plus, et ainsi elle vous punit de bien jouer et récompense de jouer mal. Je suis allé assez dans le détail de ces boucles dans le cours de l’été dernier, alors je ne vais pas me répéter ici.
Une propriété intéressante des boucles de rétroaction est comment elles affectent la courbe de puissance du joueur. Avec la rétroaction négative, la courbe de puissance d’un joueur dépend en général de la puissance de ses adversaires : ils vont reprendre de la puissance lorsqu’ils sont derrière et en perdre lorsqu’ils sont devant, alors la courbe de puissance d’un joueur peut apparaître très différente selon comment il s’en sort comparativement à ses adversaires, et cela aura l’air différent d’une partie à l’autre.
Avec une rétroaction positive, vous avec tendance à avoir une courbe qui croît ou décroît de plus en plus rapidement, avec de grands retournements de situation en fin de partie ; contrairement à la rétroaction négative, une courbe de rétroaction positive ne prend pas toujours la position des adversaires en compte… et peut simplement récompenser la puissance absolue d’un joueur.
Maintenant, ce ne sont pas des règles strictes… une boucle de rétroaction négative peut être absolue, ce qui force tour le monde à ralentir au moment où ils atteignent la fin de la partie ; et une boucle de rétroaction positive peut être relative, où vous gagnez de la puissance lorsque vous êtes en tête. Toutefois, si nous comprenons l’objectif de conception qui est servi par les boucles de rétroaction, nous verrons pourquoi la rétroaction positive est en général indépendante des adversaires, alors que la rétroaction négative en est d’habitude dépendante.
La raison d’être des boucles de rétroaction dans la conception de jeu
La raison d’être primaire d’une rétroaction positive est de faire en sorte que le jeu se termine rapidement. Une fois qu’un gagnant a été décidé et qu’un joueur est trop loin devant, vous ne voulez pas étirer le jeu parce que cela fait perdre le temps de tout le monde. À cause de cela, vous voulez que tous les joueurs soient sur une courbe d’accélération à la fin de la partie. Cela n’est pas très important de savoir qui est devant ; l’objectif est de terminer la partie, et tant que tout le monde récupère plus de puissance, cela se terminera rapidement.
Par contraste, la raison d’être primaire d’une rétroaction négative est de laisser les joueurs qui sont derrière remonter, de manière à ce que personne ne sente qu’il est dans une position où il ne peut pas gagner. Si tout le monde est ralenti de la même manière à la fin de la partie, cela ne remplit pas cette fonction ; quelqu’un qui était derrière au début peut rester derrière à la fin, et bien que l’écart semble se combler, il est ralenti autant que les autres. De manière à vraiment permettre à ceux qui sont derrière de remonter, le jeu doit être capable de faire la différence entre quelqu’un qui est derrière et qui est devant.
Courbes de puissance
Alors, à quoi ressemble la courbe de puissance d’un joueur dans un jeu PvP ? Voici quelques exemples de comment vous pourriez voir un gain (ou un perte) de la puissance du joueur au cours du temps :
- Dans un jeu à somme positive typique, chaque joueur acquiert de la puissance au cours du temps d’une manière ou d’une autre. Cela pourrait être sur une courbe croissante, linéaire ou décroissante.
- Dans un jeu à somme positive avec une rétroaction positive, les joueurs gagnent de la puissance au cours du temps et le plus de puissance ils gagnent, le plus ils en ont, alors c’est une courbe croissante (comme par exemple un gain de puissance triangulaire ou exponentiel au cours du temps) pour chaque joueur. Si vous soustrayez la courbe d’un joueur d’un autre joueur (ce qui montre qui est en tête, qui est en queue, et à quelle fréquence l’ordre change), en général ce qui arrive est qu’un joueur se place en tête assez tôt et continue ensuite à remonter la courbe jusqu’à la victoire, à moins qu’il ne fasse une erreur en chemin. Un tel jeu n’est en général pas si intéressant pour les joueurs qui ne sont pas en tête.
- Dans un jeu à somme positive avec une rétroaction négative, les joueurs sont toujours sur une courbe croissante, mais cette courbe est altérée par la position des autres joueurs, réduisant les gains pour le meneur et les augmentant pour n’importe est en arrière, alors si vous regardez les courbes de tous les joueurs simultanément vous verrez une sorte de tresse entremêlée où les joueurs se dépassent constamment les uns et les autres. En soustrayant la puissance d’un joueur d’un autre joueur au cours du temps, vous verrez que les puissances relatives des joueurs font des va et vient, ce qui correspond assez bien à la façon dont une rétroaction négative devrait fonctionner.
- Dans un jeu à somme nulle typique, les joueurs se prennent de la puissance les uns aux autres, et la somme de la puissance de tous les joueurs reste constante. Dans un jeu à deux joueurs, cela signifie que vous pouvez dériver la courbe de puissance de n’importe quel joueur simplement en regardant l’autre.
- Dans un jeu à somme nulle avec une rétroaction positive, la jeu pourrait se terminer rapidement dès qu’un joueur prend assez tôt un avantage et en profite pour gagner encore plus d’avantages, en prenant toute la puissance de son adversaire rapidement. En général, les jeux qui tombent dans cette catégorie ont aussi une forme de rétroaction négative en début de partie pour éviter que le jeu ne se termine trop tôt, à moins que le jeu ne soit très court.
- Dans un jeu à somme négative avec de la rétroaction négative, nous tendons à voir les oscillations de puissance qui ramènent le meneur vers le centre. Cela garde les joueurs proches, mais rend aussi très difficile pour un joueur unique de gagner ; si la rétroaction négative est trop forte, vous pouvez aisément aboutir à une impasse où aucun des joueurs ne peut gagner, ce qui tend à être insatisfaisant. Un motif de conception typique pour les jeux à somme nulle est en particulier d’avoir de forts mécanismes de rétroaction négative en début de partie qui diminuent vers la fin, alors que la rétroaction positive augmente près de la fin de la partie. Cela peut mener à un jeu assez excitant de va et vient dans lequel chaque joueur passe un peu de temps devant avant un triomphe final spectaculaire et irréversible qui mène le jeu à sa conclusion.
- Dans un jeu à somme négative typique, l’idée n’est pas en général que le joueur acquiert assez de puissance pour gagner, mais plutôt qu’il perdre le moins de puissance comparativement à ses adversaires. Dans les jeux à somme négative, les joueurs sont en général éliminés lorsqu’ils perdent tout ou partie de leur puissance, et l’objectif est soit d’être le dernier éliminé, soit d’être dans la meilleure position lorsque le premier adversaire est éliminé. La courbe de puissance d’un joueur pourrait être croissante, décroissante ou constante, en quelque sorte l’inverse du jeu à somme positive, et à peu près tout ressemble autrement ressemble à un jeu à somme positive sens dessus dessous.
- Dans un jeu à somme négative avec une rétroaction positive, les joueurs qui perdent vont perdre encore plus vite. Le plus de puissance un joueur possède en réserve, le moins rapidement il tend à la perdre, mais une fois qu’ils commencent à glisser dans le vide cela arrive de plus en plus rapidement.
- Dans un jeu à somme négative avec une rétroaction négative, les joueurs qui sont en train de perdre, vont perdre moins vite, et les joueurs qui ont plus de puissance tendent à la perdre plus vite, et encore une fois vous verrez cette forme de « tresse » où les joueurs se tournent autour dans leur chute jusqu’à ce qu’ils s’écrasent.
Courbes de puissance appliquées
Maintenant, peut-être que vous pouvez visualiser ce à quoi ressemble une courbe de puissance en théorie, en montrant comment la puissance d’un joueur monte et descend au cours du temps… mais comment faites-vous pour en réaliser une pour un vrai jeu ?
La façon la plus facile de construire une courbe de puissance est à travers les données de playtest. Les nombres bruts peuvent aisément vous permettre de schématiser quelque chose comme ça. La partie la plus difficile consiste à imaginer une sorte de formule numérique de la « puissance » dans le jeu : à quel point point le joueur joue bien en termes absolus. C’est plus facile avec certains jeux que d’autres. Dans les jeux de figurines comme HeroClix ou Warhammer 40K, chaque figurine que vous contrôlez vaut un certain nombre de points, alors il n’est pas difficile d’ajouter vos points ensemble à n’importe quel tour pour avoir au moins une idée de base de la position où se trouve le joueur. Dans un jeu de stratégie en temps-réel comme Starcraft, faire la somme des ressources actuelles d’un joueur avec les coûts en ressources de toutes ses unités et structures pourrait aussi donne une approximation raisonnable de leur puissance au cours du temps. Pour un jeu comme les Échecs où vous avez à équilibrer les pièces restantes d’un joueur, la position sur le plateau et le rythme, c’est un peu plus délicat. Mais une fois que vous avez une « formule de puissance » vous pouvez simplement la tracer pour tous les joueurs au cours du temps à travers des playtests répétés pour voir quels types de motifs émergent.
Terminer la partie
Une des choses réellement importante à noter au moment où vous faites cela est la quantité de temps que cela demande pour atteindre un certain point. Vous voulez mettre à l’échelle le jeu de telle manière qu’il se termine au bout du temps que vous souhaitez.
La façon la plus évidente de faire cela est en utilisant une limite de temps ou de tours qui garantit un durée de jeu spécifique (« ce jeu se termine après 4 tours ») ; parfois c’est nécessaire et même convaincant, mais dans beaucoup de cas c’est juste une conception paresseuse qui dit « nous n’avons pas assez playtesté ce jeu pour savoir combien de temps le jeu devrait durer si vous le jouiez jusqu’à une conclusion satisfaisante ».
Une alternative est d’équilibrer vos mécaniques de progression pour forcer le jeu à se terminer pendant votre plage désirée. Vous pouvez faire cela en changeant la nature de la somme négative ou positive de votre jeu (c’est-à-dire, le taux de gain ou perte de puissance combinée du joueur), ou en ajoutant, retirant, renforçant ou affaiblissant vos boucles de rétroaction. Cette partie est assez simple, si vous collectez tous les chiffres que vous avez besoin d’analyser. Par exemple, si vous prenez une boucle de rétroaction positive existante et rendez l’effet plus fort, partie se terminera probablement plus tôt, et c’est ainsi une façon de la raccourcir.
Phases de jeu
Je devrai noter que certains jeux PvP ont des transitions bien définies entre les différentes phases de jeu. Le motif le plus courant ici est une structure en trois phases où vous avez un début de partie, un milieu de partie et une fin de partie, comme rendu célèbre par les Échecs – qui a de nombreux livres consacrés à juste une phase du jeu. Si vous prenez conscience de ces transitions (ou si vous les concevez dans le jeu explicitement), vous n’avez pas seulement à faire attention à la courbe de puissance du joueur au cours du jeu, mais aussi comment elle change à chaque phase, et la longueur relative de chaque phase.
Par exemple, une découverte courant dans les prototypes de jeu est que la fin de partie n’est pas très intéressante et est plutôt une façon de suivre le mouvement pour atteindre une conclusion à laquelle vous étiez déjà arrivé en milieu de partie. Pour résoudre cela, vous pourriez penser à ajouter de nouvelles mécaniques qui viennent en jeu à la fin de la partie pour la rendre plus intéressante. Ou vous pourriez essayer de trouver des manières d’étendre le milieu de partie ou raccourcir la fin de partie en ajustant les boucles de rétroaction et la nature à somme positive, négative ou nulle de votre jeu pendant les différentes phases.
Un autre problème de conception de jeu courant est un jeu qui est très bien une fois que les joueurs ont rejoint le milieu de partie, mais le début de partie donne l’impression de démarrer trop lentement. Une façon de régler cela est d’ajouter temporairement un nature à somme positive dans le début de partie de manière à faire en sorte que les joueurs gagnent en puissance et entrent dans le milieu de partie rapidement.
Dans certains jeux, le jeu est explicitement divisé en phases et cela fait partie du cœur de la conception. Un exemple serait le jeu de plateau Shear Panic, où la piste de score est divisée en quatre régions, et chaque région change les règles de décompte des points ce qui donne au jeu une expression vraiment différente dans chacune des quatre phases du jeu. Dans ce jeu, vous faites la transition entre les phases sur la base du nombre de tours passés dans le jeu, et ainsi la durée de chaque phase est dépendante de combien de tours chaque joueur a déjà eu. Dans un jeu comme cela, vous pourriez aisément changer le temps passé dans chaque phase en augmentant simplement la durée de cette phase, de manière à ce qu’elle dure plus de tours.
D’autres jeux ont des transitions moins tranchées entre les différents phases, et celles-ci pourraient ne pas être évidentes immédiatement ou conçues explicitement. Les Échecs est un exemple que j’ai déjà mentionné. Un autre serait Netrunner, un JCC asymétrique dans lequel un joueur (la Corporation) essaie de mettre des cartes en jeu et ensuite dépense des actions pour marquer les points de ces cartes, et l’autre joueur (le Runner) essaye de voler les points avant qu’ils ne soient marqués. Après que le jeu ait été publié, les joueurs de tournois ont réalisé que la plupart des parties suivaient trois phases distinctes : le début de la partie quand le Runner est relativement à l’abri du danger et pouvait voler autant que possible ; puis le milieu de partie où la Corporation mettait en place ses défenses et rendait le vol très coûteux, de façon temporaire, lorsque le Runner volait quelque chose ; et finalement la fin de partie où le Runner rassemble assez de ressources pour passer à travers les défenses de la Corporation pour voler les points restants nécessaires pour la victoire. En y regardant de cette façon, la Corporation essaie d’entrer dans la seconde phase le plus tôt possible et essaie de l’étirer le plus longtemps possible, alors que le Runner essaie de rester dans la première phase aussi longtemps qu’il le peut et ensuite s’il ne gagne pas très tôt, le Runner essaie de passer de la seconde phase à la fin de partie avant que la Corporation n’ait marqué suffisamment de points pour gagner.
Comment est-ce que vous équilibrez les mécaniques de progression de quelque chose comme ça ? Une chose que vous pouvez faire, et qui était faite dans Netrunner, est de mettre la progression du jeu sous le contrôle partiel des joueurs, de manière à ce que ce soit les joueurs qui collectivement essaient de pousser le jeu vers l’avant ou le retenir. Cela crée un intéressant méta-niveau de tension stratégique.
Une autre chose que vous pouvez faire est d’inclure certaines mécaniques qui ont des moyens de détecter dans quelle phase vous êtes, ou, au moins, qui tendent à mieux fonctionner dans certaines phases plutôt que d’autres. Netrunner fait cela aussi : par exemple, le Runner a des cartes d’attaque assez coûteuses qui ne sont pas très utiles très tôt lorsqu’il n’a pas beaucoup de ressources, mais qui aident grandement à la fin de la partie, dans la phase finale. De cette manière, comme les joueurs utilisent des nouvelles stratégies à chaque phase, cela tend à donner au jeu un expression très différente et offre de nouvelles dynamiques au fur et à mesure où la partie progresse. Et puis, bien entendu, vous pouvez utiliser certaines de ces mécaniques spécifiquement pour ajuster la durée de chaque phase de manière à faire en sorte que la partie progresse à la vitesse que vous désirez. Dans Netrunner, la Corporation possède quelques défenses peu coûteuses dont il peut se débarrasser rapidement pour essayer de passer au milieu de partie rapidement, et il a aussi des défenses plus coûteuses qu’il peut utiliser pour mettre une barre plus haut que le Runner doit atteindre de manière à passer à la fin de partie. En ajustant à la fois les durées relatives et absolues de chaque phases dans le jeu, vous pouvez faire en sorte que le jeu ne dure pas plus longtemps que vous le voulez, et aussi qu’il est scindé en phases qui durent un bon moment comparativement les unes aux autres.
Durée de partie idéale
Tout cela part du principe que vous savez combien de temps le jeu (et chaque phase du jeu) devrait durer, mais comment pouvez-vous savoir ça ? Une partie dépend du public cible : les jeunes enfants ont besoin de jeux plus courts pour correspondre à leur capacité de concentration. Les adultes qui travaillent et sont très occupés veulent des jeux qui peuvent être joués par morceaux de courte durée. Autrement, je pense que cela dépend principalement du niveau et de la profondeur de la compétence : des jeux plus basés sur la chance ou les jeux occasionnels tendent à être plus courts, alors que les jeux stratégiques plus profonds peuvent être un peu plus longs. Une autre chose à prendre en considération est à quel point un joueur est tellement en avance qu’il a essentiellement gagné : vous voulez que ce point arrive à peu près au moment où le jeu se termine de manière à ce qu’il ne s’éternise pas.
Pour les jeux qui ne se terminent jamais, comme les MMO ou les jeux Facebook, vous pouvez voir le jeu étendu comme une « phase » finale du jeu de durée infinie, et vous aurez à changer la durée de la portion de progression de votre jeu de manière à ce que la transition arrive à peu près au moment où vous le voulez. Ainsi la longueur dépend de combien vous voulez soutenir le jeu de progression versus le jeu étendu. Par exemple, si vous jeu de progression est très différent de votre jeu étendu et vous voyez beaucoup de « perte » (c’est-à-dire, beaucoup de joueurs qui quittent le jeu) lorsqu’ils atteignent le jeu étendu, et vous utilisez un modèle basé sur l’abonnement où vous voulez que les joueurs conservent leur compte aussi longtemps que possible, vous voudrez probablement faire deux choses : travailler pour adoucir la transition pour le jeu étendu de manière à perdre le moins de gens, et aussi trouver des moyens d’étendre le début de partie (comme par exemple publier des extensions qui remontent le plafond de niveau, ou en laissant les joueurs créer de nombreux personnages avec différentes combinaisons de races ou classes de manière à ce qu’ils puisse jouer de nouveau dans le jeu de progression de nombreuses fois).
Un autre cas intéressant sont les JdR basés sur l’histoire, ou l’histoire survit souvent aux mécaniques du jeu. Nous voyons cela tout le temps avec les RPG sur console, lorsqu’ils disent « 100 heures de jouabilité » directement sur la boite. Et en surface cela donne l’effet que le jeu délivre plus de valeur, mais en réalité si vous ne répétez que les vieilles mécaniques fatiguées et meulez sans réfléchir pendant 95 de ces heures, tout ce que le jeu fait réellement est de vous faire perdre votre temps. Idéalement vous voulez que le joueur ressente qu’il progresse à travers l’apprentissage de nouvelles mécaniques et progresse à travers l’histoire à n’importe quel moment ; vous ne voulez pas que la jouabilité s’étire plus que vous ne voulez qu’une mini-intrigue donne l’impression que l’histoire s’étire. Ces types de jeux sont difficiles à concevoir parce que vous voulez ajuster la durée de la partie pour correspondre à la fois à l’histoire et à la jouabilité, et souvent cela signifie soit rallonger l’histoire ou ajouter plus de jouabilité, les deux tendant à être coûteux en terme de développement. (Vous pouvez aussi raccourcir l’histoire ou retirer la profondeur de la jouabilité, mais lorsque vous avez une intrigue réellement brillante ou des mécaniques réellement inspirées cela peut être difficile d’arracher ça du jeu simplement pour sauver un peu d’argent ; et aussi, dans ce cas spécifique il y a aussi une attente du consommateur que le jeu soit plutôt long pour lui donner un côté « épique », et ainsi la tendance est de continuer à ajouter d’un côté ou de l’autre).
La théorie du Flow, revisitée
Avec tout ce que nous avons dit, revenons au flow. Au début de cet article, j’ai dit qu’il y avait deux problèmes ici qui devaient être résolus. L’un est que la compétence du joueur augmente pendant la partie, ce qui tend à les sortir du flow et à s’ennuyer. C’est principalement un problème pour les jeux PvE les plus longs, où le joueur a assez de temps et d’expérience dans le jeu pour vraiment devenir meilleur.
La solution, comme nous l’avons vu lorsque nous avons parlé des jeux PvE, est de faire en sorte que le jeu compense en augmentant sa difficulté pendant la partie de manière à faire en sorte que le jeu paraisse plus éprouvant – c’est l’essence de ce dont les concepteurs de jeu veulent dire lorsqu’ils parlent de « cadence ». Pour les jeux PvP, dans la plupart des cas nous voulons que le meilleur joueur gagne, et ainsi ce n’est pas autant vu comme un problème ; toutefois, pour les jeux où nous voulons que le joueur le moins compétent ait une chance et le joueur le plus compétent soit quand même mis à l’épreuve, nous pouvons implémenter des boucles de rétroaction et de l’aléatoire pour donner un avantage au joueur qui est derrière.
Il y avait un autre problème avec le Flow que j’ai mentionné, qui est que vous pouvez concevoir votre jeu à un niveau de difficulté, mais les joueurs découvrent votre jeu avec une étendue de niveaux de difficulté initiaux, et ce qui est facile pour un joueur est difficile pour un autre.
Avec les jeux PvE, comme vous pourriez le deviner, le standard de facto est d’implémenter un série de niveaux de difficulté, avec les niveaux les plus élevés qui fournissent à l’IA des bonus basés sur la puissance ou au joueur moins de bonus basés sur la puissance, parce que c’est relativement peu coûteux et facile à concevoir et à implémenter. Toutefois, j’ai deux mises en gardes ici :
- Si vous continuez à utiliser les même playtesteurs ils finiront par devenir experts du jeu, et ainsi incapables de juger avec précision du vrai niveau de difficulté du « mode facile » ; facile devrait vouloir dire facile et il est préférable de pencher du côté de le rendre trop facile, que le rendre assez challengeant que certains joueurs auront la sensation qu’ils ne peuvent pas jouer du tout. La meilleure approche est d’utiliser un flux important de playtesteurs frais pendant les phases de playtest du développement (on les appelle souvent les « testeurs Kleenex » parce que vous ne les utilisez qu’une seule fois et les jetez après). Si vous n’avez pas accès à beaucoup de testeurs, réservez au moins une partie d’entre eux pour la fin du développement, lorsque vous ajustez le niveau de difficulté « facile ».
- Prenez soin de définir les attentes du joueur clairement en amont concernant les difficultés les plus élevées, en particulier si l’IA triche réellement. Si le jeu prétend en surface qu’il est un adversaire juste qui devient plus difficile à battre parce qu’il est plus compétent, et qu’ensuite les joueurs trouvent qu’en réalité il jette un coup d’oeil aux informations qui sont supposées être cachées, cela peut être frustrant. Si vous êtes clair avec le fait que l’IA triche et que le joueur choisit quand même ce niveau de difficulté, il y a moins de sentiments froissés : le joueur s’attend à un défi injuste et l’idée est de remporter l’épreuve quoi qu’il arrive. Parfois, c’est aussi simple que choisir un nom un peu créatif pour votre niveau de difficulté le plus élevé, comme « Dément ».
Il existe, bien entendu, d’autres manières de gérer les différentes niveaux de compétence du joueur. Les niveaux de difficulté les plus élevés peuvent de fait augmenter le niveau de compétence du jeu au lieu du niveau de puissance. Donner à des ennemis un plus grand degré d’IA, comme je l’ai dis avant, est coûteux mais peut être vraiment impressionnant si réalisé correctement. Une manière moins coûteuse de faire cela dans certains jeux est simplement de modifier la conception de vos niveaux en bloquant les chemins alternatifs plus faciles, de manière à forcer le joueur à emprunter le chemin le plus difficile pour finir au même endroit, lorsqu’ils jouent à des niveaux de difficulté plus élevés.
Ensuite il y a l’Ajustement Dynamique de Difficulté (DDA en anglais), qui est un type spécialisé de boucle de rétroaction négative où le jeu essaye de déterminer à quel point le joueur s’en sort et ensuite ajuste la difficulté à la volée. Vous devez être très prudent avec cela, comme avec toutes les boucles de rétroaction négatives, parce qu’elle punit le joueur qui joue bien et certains joueurs ne vont pas l’apprécier si cela ne constitue pas une attente en amont.
Une autre manière de voir cela est de couper la poire en deux, en offrant des changements de difficulté dynamique sous le contrôle du joueur. Comme la DDA, essayez de déterminer comment le joueur s’en sort… mais alors, donnez au joueur l’option de changer la difficulté du jeu manuellement. Un exemple de cela est le jeu flOw, où le joueur peut se rendre au niveau de challenge suivant ou revenir au niveau précédent plus facile à n’importe quel moment, sur la base de la confiance qu’il a dans ses compétences. Un autre exemple, God of War, faisait cela et probablement d’autres jeux aussi, est que si vous mourrez suffisamment de fois dans un niveau, il vous offrira la chance de faire tomber la difficulté à l’écran de chargement (ce que certains joueurs ont trouvé trop condescendant, mais d’un autre côté cela n’offre aucune excuse à un joueur s’il meurt à nouveau quoi qu’il arrive). Le jeu Sid Meier’s Pirates donne de fait au joueur le chance d’augmenter la difficulté lorsqu’ils arrivent au port après une mission réussie, et fournit au joueur une incitation : un plus grand pourcentage de butin lors des prochaines missions s’il réussit.
L’équivalent dans les jeux PvP est un système de handicap, où un joueur peut démarrer avec plus de puissance et obtenir plus de puissance pendant la durée de la partie, pour compenser leur faible niveau de compétence. Dans la plupart des cas cela devrait être volontaire ; les joueurs qui entrent dans une compétition PvP s’attendent typiquement à ce que le jeu soit juste par défaut.
Études de cas
Tout ceci étant dit, regardons plusieurs exemples pour voir comme nous pouvons utiliser cela pour analyse les jeux en pratique.
Space Invaders (et autres jeux d’arcade rétro)
Ce jeu vous présente le même défi basé sur la compétence, vague après vague, et augmente la compétence en faisant bouger les aliens plus vite et démarrer plus bas. Le joueur n’a absolument aucun moyen de gagner de la puissance dans le jeu ; vous démarrez avec trois vies et c’est tout ce que vous avez, et il n’y a pas de power-ups. D’un autre côté, vous ne perdez pas réellement de pouvoir dans le jeu, d’une certaine manière : que vous ayez une seule vie restante ou les trois, vos capacités offensives et défensives restent les mêmes. Le but du joueur n’est pas de gagner, mais de survivre assez longtemps avant que la courbe croissante du défi ne l’engloutisse. De façon intéressante, la courbe de défi change au cours d’une vague ; au début il y a beaucoup d’aliens et ils bougent lentement, et ainsi il est très facile de toucher une cible. Plus tard vous avez moins de cibles et elles se déplacent plus vite, ce qui rend le jeu plus challengeant, et bien entendu si jamais ils touchent le sol vous perdez toutes vos vies ce qui en fait une réelle menace. Ensuite la prochaine vague démarre et elle est un petit peu plus difficile que la précédente, mais la difficulté initiale est quand même diminuée. (Vous pourriez penser qu’il pourrait y avoir un compromis en cela que moins d’aliens aurait moins de puissance de feu pour vous tirer dessus, mais dans le jeu je pense que la fréquence de tir globale était constante, c’est simplement la façon dont elle est répartie, et ainsi ce la ne change pas beaucoup pendant la progression du round).
Les Échecs (et autre jeux de guerres basés sur des escouades)
Si je devais mettre les Échecs dans un genre, et bien, je l’appellerai jeu de guerre basé sur des escouades… ce qui est un peu étrange parce que nous le voyons comme une armée entière et non une escouade. Je dis cela dans le sens où vous démarrez avec un ensemble de forces et en général ne recevez pas de renforts, ni n’avez de mécaniques autour des ressources, la production, l’approvisionnement ou la logistique qu’il nous arrive de croiser dans les jeux plus détails au niveau d’une armée.
Ici, nous sommes face à un jeu à somme négative qui a de fait une légère boucle de rétroaction positive à l’intérieur : si vous avez plus de pièces, les échanges tendent à devenir plus bénéfiques pour vous (toutes choses étant égales), et une fois que vous atteignez la fin de la partie, certaines positions vous laissent obtenir une victoire automatique si vous êtes assez loin devant. Cela peut être plutôt démoralisant pour le joueur qui perd, en particulier si vous avez deux joueurs avec des compétences très inégales dans le jeu, parce qu’ils vont tendre à perdre très tôt et simplement continuer à perdre de plus en plus au fur et à mesure où la partie avance.
La seule raison qui fait que cela fonctionne est parce qu’entre deux joueurs de même compétence, il tend à y avoir un peu d’aller-retour alors que les joueurs échangent des pièces pour le contrôle du plateau ou le rythme, et ainsi un joueur qui apparaît perdre a un nombre d’opportunités pour retourner cela avant la fin de la partie. Contre des adversaires bien assortis vous aurez tendance à voir un taux variable de décroissance alors qu’ils échangent les pièces, sur la base de leur qualité de jeu, et s’ils jouent aussi bien alors nous verrons un jeu ou la conclusion est incertaine jusqu’à la fin (et même là, si les joueurs sont vraiment très bien assortis, nous verrons un pat).
Les Colons de Catane (et autres jeux de plateau basés sur la progression)
Voici un jeu où la progression consiste à gagner de la puissance, et alors il est à somme positive. Il n’y a qu’un nombre de cas limités où les joueurs peuvent réellement perdre leur progression ; principalement, lorsque vous construisez quelque chose, ce gain est permanent. Catane contient une boucle de rétroaction positive assez puissante, en cela que construire plus de colonies et de villes vous donne plus de ressources ce qui vous permet de construire encore plus, et construire est la condition de victoire principale. Au premier abord vous pourriez penser que cela signifie que le premier joueur qui obtient un avantage en début de partie gagne automatiquement, et si les joueurs ne pouvaient pas faire du commerce entre eux, cela serait certainement le cas. La capacité à échanger librement avec les autres joueurs contrebalance cet aspect du jeu, en cela que l’échange peut être mutuellement bénéfique pour les deux joueurs impliqués dedans ; les joueurs qui sont derrière échangent avec justesse l’un avec l’autre et refusent d’échanger avec ceux qui sont devant (ou alors à un prix d’échange exorbitant), alors ils peuvent revenir assez facilement dans la partie. Si d’aventure je devais critiquer ce jeu, je dirai que le début de partie ne voit pas beaucoup de progression rapide parce que les joueurs ne génèrent pas encore assez de ressources – et en fait, d’autres jeux de la série résolvent ce problème en donnant aux joueurs des ressources supplémentaires dans le début de partie.
Mario Kart (et autres jeux de course)
Les jeux de course sont un cas intéressant, parce que les joueurs progressent toujours vers l’objectif de la ligne d’arrivée. La plupart des jeux vidéo incluent un forte boucle de rétroaction négative qui fait en sorte que tout le monde sent qu’il a une chance – jusqu’à la fin – en général à travers une sorte de technique « d’élastique » (rubber-banding) qui fait que les véhicules contrôlés par l’ordinateur accélèrent ou ralentissent en fonction de comment les joueurs s’en sortent. Les jeux comme Mario Kart amènent cela un cran plus loin, en offrant des objets à ramasser qui sont équilibrés de telle manière que si vous êtes derrière, vous avez plus de chance de recevoir quelque chose qui vous permet de remonter, alors que si vous êtes devant vous aurez quelque chose de moins utile, rendant ainsi difficile pour vous de vous battre pour rester le premier. D’un côté, cela fournit une tension intéressante : les joueurs en tête savent qu’ils doivent simplement rester en tête un tout petit plus longtemps, alors que les joueurs qui sont derrière réalisent que le temps s’écoule et qu’ils ont à réduire l’écart rapidement. D’un autre côté, la façon dont la plupart des jeux de course font cela semble artificiel pour beaucoup de joueurs, parce que cela donne l’impression que la position d’un joueur dans la course est toujours modifiée par des facteurs en dehors de son contrôle. Comme la durée de la partie essentiellement limitée par le nombre de tours, les joueurs essaient d’échanger leurs positions avant la fin de la course, et ainsi vous avez une courbe de progression intéressante où les joueurs se dirigent tous vers la fin à peu près au même rythme.
Notez que c’est de fait le même motif de progression que dans Catane : les deux jeux sont à somme positive avec une rétroaction négative. Et pourtant, cela ne provoque pas la même sensation du point de vue du joueur, et je pense que c’est principalement parce que dans Catane, la rétroaction négative est sous le contrôle du joueur, alors que de Mario Kart une grande partie est sous contrôle de l’ordinateur.
De façon intéressante, c’est aussi le même motif dans les courses de stock-car dans la vraie vie. Dans les courses automobiles, il y a aussi une boucle de rétroaction négative, mais elle paraît plus juste : la personne en tête doit faire face à beaucoup de résistance de l’air, alors elle brûle un supplément de carburant pour maintenant sa vitesse élevée, ce qui signifie qu’elle aura besoin de plus d’arrêt au stand ; pendant ce temps, les personnes qui suivent derrière sont bien plus efficaces en terme de consommation et peuvent dépasser le joueur en tête plus tard. Ce n’est pas arbitraire, c’est une mécanique qui affecte tous les joueurs de manière égale, et c’est la décision de chaque pilote de choisir combien de risques il veut prendre en se séparant du groupe. Alors encore une fois, c’est quelque chose qui semble plus juste parce que la rétroaction négative est sous le contrôle du joueur.
Final Fantasy (et autre RPG sur ordinateur ou console)
Dans ces jeux, le joueur progresse principalement à travers le jeu en augmentant son niveau de puissance plus que son niveau de compétence. Des jeux plus anciens sur console comme la NES tendaient à être en plus basés sur les statistiques et moins sur la compétence que les jeux d’aujourd’hui (i.e. Ils demandaient beaucoup plus de meulage aux joueurs qu’aujourd’hui). La plupart de ces jeux aujourd’hui donnent au joueur plus d’aptitudes au fur et à mesure où il progresse dans les niveaux d’expérience, en leur donnant plus d’options et en le laissant augmenter ses compétences tactiques et stratégiques. La progression est les récompenses proviennent aussi de l’avancée de l’intrigue et de l’atteinte de nouvelles zones. En général ces jeux sont cadencés sur une courbe légèrement croissante, où chaque zone prend un petit peu plus de temps que la précédente. Comme nous en avons parlé la semaine dernière, il y a en général une boucle de rétroaction positive en cela que gagner assez de combats vous permet de monter de niveau, ce qui en retour rend plus facile pour vous de gagner encore plus de combats, c’est contré par la boucle de rétroaction négative qui fait que vos ennemis deviennent aussi plus forts, et que vous avez besoin de plus en plus de victoires pour monter à nouveau de niveau si vous restez dans la même zone trop longtemps, ce qui signifie que les gains réels sont proches du linéaire.
World of Warcraft (au autres MMORPGs)
Les jeux massivement multijoueurs en ligne ont une progression très similaire au C-RPG, excepté qu’il font la transition à la fin vers cet état de jeu étendu, et qu’à ce point le concept de « progression » perd beaucoup de son sens. Alors notre analyse a l’air similaire à celle avec les RPGs traditionnels sur ordinateur, jusqu’à ce point.
Nethack (et autres rogue-likes)
Il y a aussi les jeux appelés « rogue-like », qui sont une sorte de fusion étrange avec la montée de niveau et les progression basée sur les statistiques d’un JdR, et le manque de pitié d’un jeu arcade rétro. Un unique parcours réussi dans Nethack ressemble à celui d’un RPG, avec le joueur qui gagne de la puissance pour faire face au niveau croissant de challenge dans le jeu, mais de fait atteindre le niveau de compétence pour finir le jeu prend beaucoup, beaucoup plus de temps. Si vous n’avez jamais joué à ces jeux, un chose que vous devriez savoir est que la plupart d’entre eux n’ont absolument aucun souci à vous tuer si vous faites la moindre erreur. Et lorsque je dis « mourir », je veux dire qu’il efface littéralement votre fichier de sauvegarde, de façon permanente, et ensuite vous devez recommencer du début avec un nouveau personnage. Ainsi, comme pour un jeu d’arcade, le but du joueur est de rester vivant le plus longtemps possible et progresser le plus loin possible, et alors la progression est à la fois une récompense et une mesure de la compétence. Bien qu’il y ait une condition de victoire, beaucoup de joueurs ne vont simplement pas aussi loin ; gardez à l’esprit qu’amener un personnage du début à la fin peut prendre une douzaine d’heures, ce qui est équivalent à un RPG moderne, mais avec autant de retours à la case départ qui collectivement font grimper le niveau de compétence du joueur quand il meurt (et ensuite apprennent comment ne pas mourir de cette façon là à l’avenir).
Ainsi, Nethack ressemble à une augmentation de la puissance du joueur et une augmentation de défi de puissance et de compétence pendant la durée d’une partie… mais sur la durée de vie d’un joueur, vous vouez ces augmentations répétées ponctuées par le total de rédémarrage, avec une courbe de compétence du joueur qui croit lentement au cours du temps et qui laisse le joueur survivre pour un peu plus longtemps à chaque partie successive.
FarmVille (et autres jeux de médias sociaux)
Si les rogue-likes sont les brutes sadiques du monde de la conception de jeu, alors les petits lapins mignons du monde du jeu seraient les jeux basés sur la progression des « médias sociaux » comme Farmville. Ce sont des jeux à somme positive où basiquement vous cliquez pour progresser, et il est presque impossible de perdre n’importe quelle progression, et vous gagnez toujours quelque chose. Plus de compétence du joueur signifie que vous progressez plus rapidement. Au final, vous faites la transition vers le jeu étendu, mais pour la majorité des jeux auxquels j’ai joué c’est plus une transition subtile qu’avec les MMOs. Farmville n’a pas de limite de niveau dont j’ai connaissance (s’il en avait une, elle serait si ridiculement haute que la plupart des gens ne la verrait jamais), et elle vous laisse joyeusement acquérir de l’expérience et monter de niveau… bien qu’après un certain stade nous n’obtenez plus de récompenses intéressantes pour cela. Et après un moment, la boucle de récompense commence à vous récompenser de moins en moins fréquemment et vous finissez par acquérir tous les rubans ou trophées ou prouesses ou que sais-je, et ainsi ce n’est pas que vous ne pouvez pas progresser plus loin, mais que le jeu ne vous récompense pas autant pour la progression, de telle manière qu’à un certain point le joueur décide que plus de progression ne vaut plus rien pour eux, et soit il arrête de jouer ou il commence à jouer de manière différente. S’il commence à jouer de manière différente c’est là où le jeu étendu arrive. De manière intéressante, les actions du joueur dans le jeu étendu amène quand même de la progression.
Si vous travaillez sur un jeu en ce moment…
Si vous travaillez sur un jeu en ce moment, et que ce jeu a des mécaniques de progression, je veux que vous vous posiez plusieurs questions de design sur la nature de cette progression :
- Quelle est la durée désirée de ce jeu ? Pourquoi ? Essayez de vous challenger ici – pourriez-vous trouver une raison qui justifie de le faire plus long ou plus court ? Si votre éditeur (ou autre) vous avait demandé quoi qu’il arrive de le faire, qu’est-ce que vous auriez besoin de changer sur la nature du jeu de manière à compenser ?
- Est-ce que le jeu se déroule bien aussi longtemps ? Comment le savez-vous ?
- Si le jeu était divisé en phases, zones, lieux ou autre, combien de temps dureraient-ils ? Est- qu’ils tendent à devenir plus long au cours du temps, or est-ce que certains sont plus longs (ou plus courts) que ceux qui viennent immédiatement avant ou après ? Est-ce intentionnel ? Est-ce justifiable ?
- Est-ce que votre jeu est à somme positive, à somme négative ou à somme zéro ? Est-ce que des phases dans le jeu possèdent des boucles de rétroaction positives ou négatives ? Comment est-ce qu’elles affectent le temps de jeu total ?
Travail à la maison
Retour à la semaine 2, votre « travail à la maison » était d’analyser une mécanique de progression dans un jeu. En particulier, vous aviez analysé la progression de la puissance du joueur comparativement au niveau de puissance des défis du jeu, au cours du temps, de manière à identifier les points faibles où le joueur traversait une zone trop rapidement parce qu’il est trop puissant au moment où il arrive, ou qu’il serait coincé à meuler parce qu’il est en retard sur la courbe et doit se rattraper.
Il est temps de revisiter cette analyse avec ce que nous savons maintenant de la cadence. Cette semaine, j’aimerai que vous analysiez la structure de récompense dans le jeu. Prenez en considération tous les types de récompenses : basées sur la puissance, la progression en niveau, et l’avancée de l’intrigue, et n’importe quoi d’autre que vous pouvez identifier et qui s’applique à votre jeu :
- Lesquelles de ces récompenses sont réellement aléatoires (comme des lâchers de butin randomisés), et lesquelles d’entre elles ont simplement l’air aléatoires pour le joueur lors de leur premier parcours (elles sont placées dans des endroits spécifiques par le concepteur de niveau, mais le joueur n’a aucun moyen de savoir à l’avance à quel rythme il trouvera ces choses)… et est-ce qu’il y a des récompenses qui arrivent sur un planning fixe qui est connu du joueur ?
- À quelle fréquence est-ce que les récompenses arrivent ? Est-ce qu’elles arrivent plus fréquemment au début ? Est-ce qu’il y a des endroits où les joueurs restent longtemps avec relativement peu de récompenses ? Est-ce que certains types de récompenses semblent arriver plus fréquemment que d’autres, ou à certains moments ?
Maintenant, regardez à nouveau à vos prédictions d’origine, où vous avez senti que le jeu était soit trop rapide, où avait plutôt tendance à s’éterniser, à certain points (sur la base de votre mémoire et votre réaction viscérale). Est-ce que ces points coïncident avec plus ou moins de récompenses dans le jeu ? Maintenant posez vous la question de savoir si le problème aurait pu être résolu simplement en ajoutant un nouveau power-up à un certain endroit au lieu de réparer la courbe de montée de niveau ou de progression.
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