Niveau 16 : L’équilibrage du jeu

L’article original « Level 16: Game Balance » a été écrit par Ian Schreiber et fait partie d’un cours de game design en ligne, publié sur le blog Game Design Concepts.

L’article original et cette traduction sont publiés sous licence Creative Commons (Attribution).

N’hésitez pas à visiter le blog de Ian Schreiber et suivre son compte Twitter.

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Quand des joueurs ou des game designers vétérans jouent à un jeu, s’ils s’en tirent trop bien ou trop mal, ils commenteront souvent l’équilibrage du jeu. Ce mot est important, mais je crains qu’il ne soit souvent sur-utilisé. Comme le mot « fun », il y a différents types d’équilibrage, et comprendre ce en quoi consiste l’équilibrage de jeu est important et ce que vous verrons aujourd’hui.

Pourquoi est-ce que nous le voyons maintenant et pas plus tôt (par exemple, disons, au début du Projet de Design ?) Comme précisé auparavant, équilibrer le jeu est quelque chose qu’il vaut mieux repousser jusqu’au moment où vous avez une bonne série des mécaniques cœurs. Équilibrer un jeu qui n’atteint pas ses objectifs de design est une perte de temps, et quand vous changez les mécaniques cœurs vous aurez à nouveau à équilibrer le jeu. Alors nous y sommes, avec un travail en cours qui a survécu à plusieurs tours de playtesting, et il est temps de l’amener au niveau supérieur.

About the Pace of this Course

At this point, I realize from the comments and some forum posts that many of you are falling behind. As a reminder, this course is going at a brisk pace, and I recognize that many participants may not have the time to devote to this one hundred percent. On the bright side, the playtesting part of designing a game can go at a fast or slow pace; for your own hobby projects, time may not be of the essence, so you can continue to follow along at your own pace.

If you can still keep on schedule, that is great. If you are finding that setting up playtest sessions and modifying your game is taking too much time, my suggestion would be to do things as soon as you are able, and then follow along through the rest of this course a little behind schedule. I’m not taking this content down any time soon, so it will patiently wait for you. The rest of the course will concentrate on the Design Project and there will be no other homeplays to distract you.

I would recommend keeping up with the readings on this blog, however, if you have the time. This will give you an idea of what to look for in your project as you look ahead, and I may make announcements here that I’ll want you to see.

Readings

No additional readings for today. There is plenty of material here in this blog post.

Qu’est-ce que l’équilibrage de jeu ?

Dans un jeu à deux joueurs, dire qu’il est « équilibré » signifie d’habitude qu’un joueur n’a pas un avantage injuste sur l’autre. Mais nous entendons aussi le terme utilisé en relation aux jeux à un seul joueur, où il n’y a pas d’adversaire autre que le jeu lui-même, et n’importe quel « avantage injuste » que le jeu peut avoir peut être simplement considéré comme un challenge. Et ensuite nous pouvons parler des cartes individuelles dans un jeu comme Magic : The Gathering comme étant « équilibrées » même quand tous les joueurs ont accès à cette carte, alors cela ne donne aucun avantage à personne en particulier. Que se passe t’il ici ?

Selon mon expérience, quand nous parlons d’ « équilibrage de jeu » nous parlons en général de l’une de ces quatre choses. Le contexte en général rend clair de laquelle nous parlons :

  1. Dans les jeux à un seul joueur, nous utilisons « équilibre » pour décrire si le niveau de challenge est approprié au public ;
  2. Dans les jeux à plusieurs joueurs où il y a de l’asymétrie (c’est à dire, où les joueurs ne partent pas exactement avec les mêmes positions et ressources de départ), nous utilisons « équilibre » pour décrire si une position de départ permet de gagner plus simplement qu’une autre.
  3. Dans un jeu, s’il y a de nombreuses stratégies ou chemins de victoire qui peuvent être suivis, nous utilisons « équilibre » pour décrire s’il est meilleur ou pire de suivre une stratégie plutôt qu’une autre.
  4. Dans un système qui a plusieurs objets similaires (comme des cartes dans un jeu de cartes à collectionner, des armes dans un jeu de rôle, et ainsi de suite), nous utilisons « équilibre » pour décrire les objets eux-même, en particulier si différents objets ont le même rapport coût / bénéfice.

Examinons chacun d’entre eux de plus près, et ensuite nous irons voir certaines techniques pratiques pour équilibrer votre jeu.

Équilibre dans les jeux à un seul joueur

Dans les jeux à un seul joueur, nous utilisons « équilibre » pour décrire si le niveau de challenge est approprié au public.

Notez que, par le simple fait de jouer au jeu et devenir familier avec lui, votre public deviendra éventuellement plus compétent dans le jeu. C’est une des raisons pour lesquelles les derniers niveaux des jeux vidéo sont d’habitude plus durs que les premiers niveaux. (Souvenez vous qu’une autre raison est que le gameplay s’ajuste à la tension dramatique dans le récit.) Le changement dans la difficulté au cours du temps dans un jeu simple a un nom : nous l’appelons le rythme.

Il y a un problème évident ici auquel nous faisons face en tant que game designer : comment savons-nous quel est le niveau « approprié » de challenge ? C’est certain, nous pouvons dire qu’un jeu de logique ou de puzzle pour adultes sera probablement plus difficile qu’un jeu similaire pour jeunes enfants, mais au-delà de ça… comment sommes-nous supposés savoir ce qui est trop facile ou trop difficile ? La réponse évidente : par le playtest !

Il y a un autre problème, toutefois : tous les joueurs sont pas exactement les mêmes. Même dans un public cible restreint, les joueurs tombent autour de la courbe en cloche, avec quelques uns qui sont très compétents et quelques uns à l’opposé. Dans vos playtests, comment savez-vous où vos testeurs tombent sur la courbe en cloche ? Si vous débutez, la chose idéale à faire est d’utiliser vraiment beaucoup de playtesteurs. Quand vous avez des dizaines et des centaines de personnes qui vous donnent du feedback sur votre jeu, vous pouvez avoir une plutôt bonne idée de quelles sont les étendues. Au fur et à mesure où vous gagnez de l’expérience en tant que game designer, vous aurez une meilleur appréhension de votre public, et vous aurez progressivement besoin de moins en moins de playtesteurs pour vous donner les mêmes résultats. (Si vous démarrez mais que vous n’avez pas le temps ou les ressources pour faire beaucoup de playtests, vous pouvez parfois faire semblant si vous avez une idée d’où vos playtesteurs tombent sur la courbe. Est-ce qu’ils se considèrent eux-même au dessus ou en dessous de la moyenne du niveau de compétence, comparé aux autres types de personnes pour lesquelles vous faites votre jeu?)

Même si vous avez une plutôt bonne idée de comment modifier la difficulté de votre jeu et où tombe le public cible, que choisissez-vous comme votre niveau de challenge quand votre public est varié? Quoi que vous fassiez, votre jeu sera trop difficile pour certaines personnes et trop facile pour d’autres, alors cela apparaît être une situation d’échec mutuel. Si vous devez choisir un unique niveau de challenge, une règle de base est de viser le milieu de la courbe, là où vous aurez le plus de personnes (le public le plus large possible) de cette façon. Une autre manière de contourner cela est de fournir du support pour ceux à la fin de la courbe, en utilisant plusieurs niveaux de difficulté, handicaps, ou règle alternatives pour rendre les choses plus faciles ou plus difficiles.

Équilibrage dans les jeux asymétriques

Dans les jeux à plusieurs joueurs où il y a de l’asymétrie (c’est à dire, où les joueurs ne partent pas exactement avec les mêmes positions et ressources de départ), nous utilisons « équilibre » pour décrire si une position de départ permet de gagner plus simplement qu’une autre.

Les jeux vraiment symétriques sont rares. Nous pensons aux jeux classiques comme les Échecs et le Go comme étant symétriques, puisque chaque joueur démarre avec la même série de pièces et joue avec les mêmes règles, mais il y a une asymétrie : un joueur joue en premier ! Si vous modifiez les Échecs de manière à ce que chaque joueur écrive secrètement son coup sur un morceau de papier et ensuite les déplacements sont réalisés simultanément, cela devient complètement symétrique (et cela se joue différemment).

Cela soulève une question intéressante : si votre jeu est symétrique, avez-vous besoin de vous inquiétez de l’équilibrage ? Après tout, les deux joueurs démarrent avec des ressources exactement identiques, les positions de départ et ainsi de suite, alors par définition aucun joueur ne peut avoir d’avantage injuste. C’est vrai, mais le designer doit prendre en considération d’autres types d’équilibrages, en particulier lorsqu’il y a une stratégie dominante. Faire en sorte que les joueurs soient à égalité ne vous exempte pas.

Même si votre jeu est asymétrique, pourquoi s’inquiéter de l’équilibrer ? La réponse simple est que c’est une attente typique du joueur qu’un jeu ne donne pas un avantage automatique ou un désavantage à certains joueurs, toutes choses étant égales par ailleurs. (Vous pouvez faire des expériences avec cela. Le jeu de cartes The Great Dalmuti, par exemple, place intentionnellement les joueurs dans des rôles inégaux de manière de montrer à quel point la vie n’est pas juste ; mais cela fait partie du jeu, et les instructions ainsi que les mécaniques vont assez loin pour établir les attentes des joueurs de façon conséquente. Mais si votre jeu ne brise pas cette règle avec une intention spécifique, vous devriez penser à comment vous le rendez aussi équilibré que possible.)

Les jeux asymétriques sont, naturellement, plus difficiles à équilibrer. Plus le jeu est asymétrique, plus il doit être playtesté avec soin. Une des façons les plus faciles de confirmer ce type d’équilibrage est de trouver des moyens de relier les ressources de chaque joueur les unes avec les autres. Si vous déterminez que dans le gameplay, une Pomme vaut toujours exactement deux Oranges, alors un joueur qui démarre la partie avec une Pomme sera toujours en équilibre contre un joueur qui démarre avec deux Oranges.

Parfois, les joueurs sont si différents qu’une comparaison directe est impossible. Certains jeux non seulement donnent aux joueurs différentes ressources et positions de départ, mais aussi différentes règles avec lesquelles jouer. Certains joueurs peuvent avoir des accès exclusifs à certaines ressources ou capacités. Une asymétrie commune dans les jeux est de donner aux joueurs différents objectifs en conflit (par exemple, l’objectif d’une équipe est de survivre pendant un certain nombre de tours et l’objectif de l’autre équipe est d’éliminer la première équipe avant un certain nombre de tours). Plus il est difficile de faire des comparaisons directes entre les joueurs, plus vous aurez à playtester pour compenser.

Équilibre entre les stratégies dans un jeu

Dans un jeu, s’il y a de nombreuses stratégies ou chemins de victoire qui peuvent être suivis dans le jeu, nous utilisons « équilibre » pour décrire s’il est meilleur ou pire de suivre une stratégie plutôt qu’une autre.

On pourrait se demander, pourquoi s’inquiéter de cela ? Si un jeu permet de nombreuses stratégies, mais une est plus puissante que les autres, est-ce que le fait d’exploiter la meilleure stratégie n’est simplement pas égal aux joueurs qui essayent de gagner ? Tant qu’aucun joueur individuel n’a d’avantage injuste, n’est-ce pas correct pour votre jeu de simplement être « quiconque trouve la stratégie la plus puissante gagne » ?

Le problème est que, une fois qu’une stratégie dominante est découverte, les joueurs astucieux ignoreront toutes les stratégies sous-optimales. Tout ce qui dans le jeu ne fait pas partie de la stratégie dominante devient du bruit superflu. Il n’y a rien de fondamentalement mauvais dans un jeu qui a une unique stratégie gagnante, mais dans ce cas celles qui sont sous-optimales devraient être retirées pour rendre le jeu plus simple et fluide. Si vous incluez des options qui sont sous-optimales pour les joueurs, elles deviennent des fausses décisions, parce qu’il y a réellement une décision (suivez la stratégie dominante).

Si cela vaut le coup d’inclure différentes stratégies gagnantes potentielles dans un jeu, alors, cela devient plus intéressant si ces stratégies sont équilibrées. Encore une fois, tout cela en revient au playtest. Dans ce cas, quand les joueurs jouent à votre jeu, prenez en note si certaines stratégies semblent être utilisées plus souvent que les autres, et lesquelles semblent gagnantes. Si différents éléments sont disponibles à l’achat pour les joueurs dans un jeu, est-ce qu’il y en a un qui semble toujours être acheté en premier, alors que les autres semblent l’être rarement, voire jamais ? Si les joueurs ont un choix d’actions à chaque tour, est-ce que le gagnant de chaque playtest semble toujours être celui qui choisit une action en particulier plus souvent que tous les autres ?

Le playtest seul n’est pas une preuve automatique qu’une stratégie particulière n’est pas équilibrée, mais cela devrait vous donner des signaux forts que certains aspects du jeu ont besoin d’une inspection de près. Parfois, les joueurs utiliseront une stratégie particulière parce que c’est la plus évidente ou la plus facile et pas parce que c’est la plus optimale. Certains joueurs éviteront tout ce qui semble trop compliqué ou requiert de la finesse, même si c’est au final meilleure sur la durée.

Équilibre entre les éléments du jeu

Dans un système qui a plusieurs objets similaires (comme des cartes dans un jeu de cartes à collectionner, des armes dans un jeu de rôle, et ainsi de suite), nous utilisons « équilibre » pour décrire les objets eux-même, en particulier si différents objets ont le même rapport coût / bénéfice.

Ce type d’équilibre est spécifique aux jeux qui donnent aux joueurs un choix entre différents objets. Voici quelques exemples :

  • Les cartes dans un jeu de cartes à collectionner. Les joueurs constituent un paquet avec un nombre défini de cartes à partir de leur collection. Le choix de la carte à ajouter est l’un des facteurs clef dans l’issue du jeu, et les designers essaient de faire en sorte que les cartes soient équilibrées les unes avec les autres.
  • Les unités dans certains jeux de guerre, et jeux de stratégie temps-réel. Les joueurs ont la capacité à acheter des unités pendant la partie, et différents types d’unités peuvent avoir différentes capacités, points de déplacement et forces pour le combat. Le concepteur essayera de rendre les unités équilibrées les unes avec les autres.
  • Les armes, les objets, les sorts magiques, etc. dans un jeu de rôle, qu’il soit sur table ou sur ordinateur ou console. Les joueurs peuvent acheter n’importe lesquels de ceux là pour être utilisés dans le combat, et ils ont différents coûts et différentes statistiques et capacités. Le designer essayera de rendre ces objets équilibrés les uns avec les autres.

Dans tous ces cas, il y a deux buts. Le premier est d’éviter que n’importe objet du jeu soit si faible qu’il soit inutile en comparaison d’autres objets. Cela encore une fois devient un faux choix pour le joueur, parce qu’il pourrait être capable de gagner ou acheter un certain objet mais il trouvera rapidement que celui-ci n’est d’aucune utilité ; l’objet est ainsi une perte de temps pour le joueur (et le designer).

Le second but est d’éviter qu’un objet de jeu soit trop puissant. N’importe quel objet de jeu qui devient une stratégie dominante rend tous les autres objets du jeu inutiles en comparaison. En général, si vous deviez absolument choisir entre faire un objet trop faible ou trop puissant, préférez l’option de le faire trop faible.

Deux objets sont équilibrés s’ils ont le même ratio coût / bénéfice. Ce qui veut dire, ce que vous abandonnez pour accéder à un objet (cela inclue les coûts explicites comme la monnaie du jeu ou les ressources, et aussi les coûts d’opportunité comme les inconvénients, les limitations ou les exceptions aux capacités de l’objet) devrait être en certaine proportion des bénéfices dans le jeu que vous obtenez de l’objet. Les coûts et bénéfices n’ont pas à être exactement les mêmes (en fait, d’habitude les bénéfices sont plus grands, ou alors vous voudriez simplement ignorer l’objet). Toutefois, lorsque vous comparez deux objets différents, la proportion des coûts au bénéfices devrait être en gros la même pour les deux.

Trois façons d’équilibre les objets du jeu : transitif, intransitif et « fruité »

J’ai rencontré trois méthodes générales pour équilibrer les objets d’un jeu. La première est techniquement référée comme relation transitive. Dans les cercles plus familiers (mais toujours un peu geek), c’est appelé une courbe de coût. C’est la manière la plus directe d’équilibrer les objets. L’idée générale est de trouver une certaine proportion désirée entre les coûts et les bénéfices. Cela peut être une proportion linéaire (quelque chose qui coûte deux fois plus cher est deux fois plus puissant) ou cela peuvent incurvé d’une certaine manière (peut-être qu’il y a une loi des rendements décroissants, où vous avez à payer progressivement plus pour chaque élément de bénéfice additionnel, ou peut-être que ce sont des rendements croissants, où vous obtenez essentiellement une remise pour payer beaucoup en une fois). Tout cela dépend de votre jeu en particulier, mais le playtesting, l’expérimentation et l’instinct vous aideront à déterminer quel type de relation il devrait y avoir.

La prochaine étape est de réduire chaque coût et chaque bénéfice à un nombre unique qui peut être comparé. Prenez tous les coûts d’un objet et ajoutez-les ensemble ; faites aussi la somme de bénéfices. Comparez les deux, et voyez si l’objet donne le bénéfice numérique correct pour le coût.

Cette méthode est souvent utilisée dans jeux de cartes à collectionner. Si le jeu a une courbe de coût établie, cela rend les choses plus facile pour créer des nouvelles cartes en combinant les effets existants. Dans Magic : The Gathering, si vous voulez créer une nouvelle créature avec une couleur donnée, une puissance, une résistance, et une série de capacités standard (disons, une créature Blanche 4/3 avec Vol et Initiative), il y a déjà différents coûts qui peuvent exister, et les designers travaillant sur ce jeu (et les joueurs suffisamment informés) pourrait vous dire exactement quels sont les coûts équivalents. Ajouter plus de capacités vient avec une augmentation dans les coûts, et réduire le coût nécessiterait un retrait de stats ou de capacités.

La seconde méthode est une relation intransitive entre les objets du jeu, mieux connue comme une relation pierre – ciseau – papier. Dans ce cas, il peut ne pas y avoir de relation directe entre les coûts et les bénéfices, mais il y a une relation entre les objets du jeu eux-mêmes : certains objets sont par nature supérieurs aux autres et inférieurs aux autres restants. Le jeu Pierre-Ciseau-Papier est l’exemple canonique ; aucun des trois coups n’est dominant, parce que chaque coup s’annule avec lui-même, bat l’un des autres coup et perd face au dernier coup.

Cela peut être vu dans certains jeux de stratégie aussi. Dans de nombreux jeux de stratégie temps-réel, il y a une sorte de relation intransitive entre les unités. Par exemple, une relation commune est que l’infanterie est forte contre les archers, les archers sont forts contre les unités volantes, et les unités volantes sont fortes contre l’infanterie. Une partie du jeu consiste à gérer votre distribution et le positionnement particulier des unités (en temps réel) en fonction de votre adversaire.

Notez que les relations transitives et intransitives peuvent être combinées, comme dans le précédent exemple. Dans les jeux de stratégie temps-réel typiques, les unités ont aussi différents coûts, alors un archer faible (mais peu coûteux) peut être battu par une une unité volante forte (mais coûteuse). À l’intérieure d’une simple classe d’unités, il peut y avoir des relations transitives, mais les différentes classes ont des relations intransitives les unes avec les autres.

Les relations intransitives peuvent de fait être résolues, en utilisant des matrices et un peu d’algèbre linéaire basique. Par exemple, la solution de Pierre-Ciseau-Papier est que vous visez que la proportion de chaque coup soit égale aux autres : il devrait y avoir un ratio 1:1:1. Maintenant, supposez que vous modifiez légèrement les règles, de manière à ce que chaque Pierre marque 3 points, une victoire avec Papier marque 2 points, et une victoire avec Ciseaux maque 1 point. Quel est le ratio attendu maintenant ? (Il apparaît que le ratio n’est pas ce que vous attendriez, avec un jeu optimal des deux côtés, vous verriez 1 Pierre pour 3 Papier et chaque 2 Ciseaux. Les mathématiques requis pour faire cela sont au delà de la portée de ce cours.). Si vous voyez que les joueurs utilisent des objets dans une certaine proportion (avec certains étant plus communément utilisés que d’autres), une relation intransitive bien équilibrée est une bonne façon de garantir cela.

Une troisième méthode pour équilibrer les objets du jeu est de rendre chacun d’entre eux différent et unique par rapport aux autres, que les comparaisons directes soient impossibles. (J’appelle cela « fruité » dans le sens ou le designer, et plus tard les joueurs, peuvent seulement comparer des pommes et des oranges.) Comme les comparaisons formelles et numériques entre les objets ne peuvent pas fonctionner, la seule façon d’équilibrer cela est à travers un playtesting extensif.

Il y a des challenges associés avec toutes les trois méthodes. Pour les relations transitives, tout repose sur le fait que le designer trouve la courbe de coûts correcte. Si votre calcul est mauvais, il sera mauvais pour tous les objets dans le jeu ; si vous trouvez qu’une chose est déséquilibrée, vous aurez probablement à tout changer. Les relations transitives sont plus faciles à développer à rebours après le playtest, que les développer en avance dans le temps. Comme beaucoup repose sur le fait d’avoir le calcul juste, cela tend aussi à demander beaucoup d’essais et d’erreurs et ainsi prendre beaucoup de temps.

Les relations intransitives, comme notées ci dessus, utilisent des maths plus délicates pour être résolues. Un autre désavantage est que, à moins de le faire très précautionneusement, leur présence peut donner au jeu une sensation glorifiée de Pierre-Ciseau-Papier, que certains joueurs peuvent trouver rebutant – beaucoup ont la perception que les relations intransitives ne sont rien d’autre que des jeux d’estimation, ou chaque décision est basée non pas sur la stratégie, mais sur la chance et l’aléatoire. (Une discussion complète sur le fait que ce soit ou non le cas est au-delà de la portée de ce cours.)

Les relations « fruitées » sont réellement difficiles à équilibrer, parce que l’un des outils les plus important pour faire cela – les mathématiques – ne sont plus disponibles.

Trois techniques générales d’équilibrage des jeux

En général, il y a trois façon d’équilibrer les jeux :

  • Utiliser les mathématiques. Créez des relations transitives ou intransitives dans votre jeu, et faites en sorte que tout soit aligné avec le coût.
  • Utilisez votre instinct en tant que game designer. Changez l’équilibre dans le jeu jusqu’à ce qu’il « vous semble bon » à vous.
  • Utilisez le playtesting. Ajustez le jeu sur la base des résultats des playtests, où les joueurs sont des joueurs expérimentés a qui on a demandé de jouer pour tirer partie des « exploits » et gagner.

Il y a des challenges associés à chacune de ces façons :

  • Les mathématiques sont difficiles, et cela peut être incorrect. Si vos formules sont mauvaises, tout dans le jeu sera un petit peu décalé, ce qui est inconvénient pour les prototypes rapides. Certaines capacités vraiment étranges ou des objets de jeu qui n’ont pas de math associés sont trop uniques, et requièrent d’autres méthodes.
  • L’instinct est vulnérable à l’erreur humaine. Il est n’aussi pas absolu ou reproductible ; différents designers peuvent ne pas être d’accord sur ce qui est mieux pour le jeu. C’est particulièrement dangereux dans les projets avec une large équipe, ou un designer peut partir au milieu d’un projet et un autre ne peut pas prendre le relais (ou plutôt, il peut, mais il ne sera pas capable de terminer le jeu de la même manière que le designer d’origine l’aurait fait).
  • Le playtesting repose sur la qualité de vos testeurs. Les testeurs peuvent ne pas trouver chaque problème d’équilibre dans le jeu ; certains problèmes ne seront pas découverts avant des mois ou des années (même après la sortie publique du jeu). Pire, certains testeurs peuvent intentionnellement éviter de vous montrer des « exploits » des règles, parce qu’ils pensent les utiliser une fois que le jeu sera publié !

Que doit faire un designer ? Faites du mieux que vous pouvez, et comprenez à la fois les forces et les limitations des techniques d’équilibrage que vous utilisez. Et en tant que joueur du jeu, la prochaine fois que vous rencontrerez un jeu qui semble horriblement déséquilibré, ayez un peu d’appréciation pour reconnaître à quel point il peut être difficile de faire les choses parfaitement.

Plus de techniques d’équilibrage de jeu

Voici quelques autres éléments de conseils aléatoires que j’ai trouvé, sans ordre particulier.

Soyez conscient des différents objets et systèmes dans votre jeu et leur relation. Vous devriez déjà avoir fait cela pendant le design initial du votre jeu, bien entendu, mais il est facile d’oublier la vision globale quand vous commencez à vous focaliser sur les petits détails. Il y a deux choses en particulier auxquelles vous devriez revenir en premier, quel que soit le moment où vous faites les changements à votre jeu :

  1. Quel est l’esthétique cœur de votre jeu ? Est-ce que ces changements soutiennent le cœur ?
  2. Regardez les interconnections entre les systèmes. Si vous changez une chose, vous devriez savoir que d’autres choses seront affectées. Les éléments de jeu individuels existent rarement dans un vide, et changer un élément peuvent avoir des effets d’onde à travers tout le jeu. En étant conscient des relations entre les systèmes et les objets, il devient plus facile de prédire les effets de second ordre des changements de mécaniques.

Faites un changement à la fois. Nous avons déjà dit cela avant, mais cela mérite d’être répété. Si quelque chose se brise après avoir fait un changement, vous savez exactement pourquoi. Si quelque chose se brise après avoir fait dix changements, vous ne savez pas quel changement (ou combinaison de changements) l’a provoqué.

Apprenez à aimer Excel. Cela peut être n’importe quel tableur informatique, bien que Microsoft Excel soit le plus populaire parmi les game designers. Souvent, les étudiants me regardent comme j’étais fou que je leur suggère qu’un tableur est utile dans le game design. (Du genre, ces outils ne sont-ils pas seulement utilisés par des comptables d’entreprise ou autre ?). Voici quelques exemples de la façon dont les tableurs sont utilisés :

  • Excel rend facile la conservation des listes des éléments et les organiser. Listez tous les objets de votre jeu et leurs stats. Dans un jeu de rôle, listez toutes les armes, équipements et monstres ; dans un jeu de guerre sur table, listez toutes les unités et leurs stats. Tout ce que vous trouveriez dans un tableau de référence dans les instructions (ou un guide stratégique) a probablement démarré sa vie dans une feuille Excel d’un designer.
  • Excel est bon pour garder la trace des tâches et des statuts, ce qui est utile pour un jeu compliqué avec beaucoup de systèmes et de composants. Si vous avez une table avec une à deux centaines de monstres et toutes leurs stats, elle peut aussi avoir une entrée pour savoir si les graphismes de ce monstre sont faits, ou si les statistiques de ce monstre ont été équilibrées ou playtestées pour l’instant.
  • Les tableurs sont bons pour collecter et manipuler les statistiques dans votre jeu. Dans un jeu de sport ou chaque joueur a une liste de stats, est-ce que toutes les équipes sont équilibrées les unes avec les autres ? Faites la somme ou la moyenne de toutes les stats d’une équipe, et vous pouvez avoir un peu une idée des forces et faiblesse globales de chaque équipe. Dans un jeu avec des relations transitives, est-ce que chaque objet du jeu est équilibré ? Ajoutez les coûts et bénéfices dans un tableur.
  • Vous pouvez utilisez les tableurs pour lancer des simulations statistiques. En générant des nombres aléatoire (dans Excel vous pouvez utiliser la fonction RAND() et appuyer sur F9 pour relancer), vous pouvez générer des lancers de dés aléatoires pour chaque chose comme les dégâts dans une étendue, de nombreuses fois, pour voir la portée globale et distribution des résultats. (Les statisticiens appellent cela un simulation « Monte Carlo », au cas où vous vous poseriez la question).
  • Les tableurs peuvent vous aider à voir les causes et effets des changements dans le jeu. En créant des formules basées sur des valeurs spécifiques que vous voulez changer, vous pouvez changer une valeur et voir ce qui arrive au « autres » valeurs qui dépendent de celle-ci. Par exemple, si vous travaillez sur un jeu massivement multijoueur en ligne, vous pouvez utiliser Excel pour calculer le dégâts par seconde d’une arme et ensuite instantanément voir comment cela change quand vous modifiez le dégât de base, la précision, ou la vitesse d’attaque.

Utilisez la Règle de 2. Supposez que vous ayez certains chiffres dans votre jeu que vous savez être trop élevés, mais vous ne savez pas de combien. Peut-être que c’est simplement un petit peu trop élevé, ou peut-être que c’est plutôt élevé. Dans les deux cas, divisez par deux. De la même manière, si vous avez une valeur que vous savez être trop basse, quel que soit de combien elle est trop basse, doublez-la. Si vous n’êtes pas sûr à 100 % de ce qu’est la valeur correcte, doublez-là ou divisez-là par deux. C’est la « Règle de 2 ».

À première vue, cela semble plutôt ridicule. Si le coût d’une gemme est seulement 10 à 20 % trop petite, qu’est ce qu’il y aurait à gagner en prenant la mesure drastique de la doubler ? En pratique, il y a certaines raisons pour lesquelles cela fonctionne. En premier vous pourriez penser que c’est seulement un petit peu élevé et vous pourriez avoir tord ; si vous faites des correctifs mineurs et la valeur a réellement besoin d’être doublée, cela vous prendra beaucoup d’itération pour aller là ou vous avez besoin d’être en premier lieu.

Il y a une force plus puissante en action, pourtant, lorsqu’on applique la Règle de 2. Le Game Design est un processus de découverte. Le fait est que, vous ne savez pas quels sont les nombres corrects pour équilibrer votre jeu ; si vous le saviez, le jeu serait déjà équilibré ! Si une des valeurs dans votre jeu est décalée, vous avez besoin de découvrir quelle est la valeur correcte, et vous faites cela en changeant la valeur et en voyant ce qui arrive. Peut-être qu’elle n’avait besoin que d’un ajustement mineur, mais en doublant ou en divisant la valeur par deux, vous apprendrez tellement plus sur votre jeu.

De temps à autre, vous trouverez aussi qu’en faisant un changement aussi important dans votre jeu, cela change la dynamique d’une façon qui était inattendue mais (accidentellement) supérieure à votre design original.

Équilibrer l’avantage du premier joueur. Dans les jeux au tour par tour en particulier, il est commun qu’il y ait un léger avantage (ou désavantage) à jouer en premier. Ce n’est pas toujours le cas, mais quand ça l’est, voici quelques techniques usuelles pour compenser :

  • Faites tourner la place du premier joueur. Dans un jeu à quatre joueurs, par exemple, après chaque tour de table complet (où chaque joueur a joué un tour), faites tourner le joueur qui débute par la gauche pour le prochain tour de table. De cette manière, le joueur qui joue en premier dans ce tour de table jouera en dernier lors du prochain tour de table. (Quand j’étais petit, mon groupe de jeu utilisait un crayon pour marquer le premier joueur, alors nous avons appelé cela la technique du « Crayon de Pouvoir ».)
  • Donnez au joueur désavantagé des ressource supplémentaires. Par exemple, si l’objectif du jeu est de marquer le plus de points à la fin de la partie, donnez à chaque joueur un différent nombre de points au début de la partie, avec le dernier joueur qui a un tout petit peu plus de points pour compenser le désavantage de jouer en dernier.
  • Réduisez l’efficacité des premiers tours pour les premiers joueurs. Dans un jeu de cartes, peut-être que les joueurs tirent typiquement quatre cartes au début de leur tour. Vous pourriez modifier cela de manière à ce que le premier joueur ne puisse tirer qu’une carte, le joueur suivant en tire deux, et ainsi de suite jusqu’à ce que tous les joueurs en tirent quatre.
  • Pour tous les jeux courts, jouez une série de parties où chaque joueur joue en premier une fois. C’est usuel avec les jeux de cartes, où une partie complète est jouée avec une série de mains.

Écrivez vos propres règles au fur et à mesure où vous les apprenez. Au fur et à mesure où vous concevez des jeux, vous aurez des réussites et des échecs. Vous apprendrez des deux (en particulier de vos erreurs). Quand vous trouvez une « loi » du game design, ou une nouvelle technique d’équilibrage, notez-là et revoyez vos notes périodiquement. Tragiquement, très peu de designers ont l’habitude de faire cela ; et en conséquence, ils ne peuvent pas transmettre leur expérience aux autres designers, et ils finissent parfois par faire les mêmes erreurs sur plusieurs jeux parce qu’ils ont oublié les leçons apprises des premiers jeux.

Le rôle de l’équilibrage

À mes débuts comme designer, j’étais très passionné par l’équilibrage des jeux. « Un jeu fun est un jeu équilibré, et un jeu équilibré est un jeu fun » était mon mantra. Je suis certain que j’ai agacé plusieurs de mes supérieurs avec mes coups de gueule sur les déséquilibres dans nos jeux et pourquoi nous devions les corriger immédiatement. Tel est le privilège de la jeunesse.

Bien que je continue à croire que l’équilibrage soit important et une compétence clef pour n’importe quel designer, j’emprunte maintenant une voie plus modérée. J’ai vu certains jeux qui sont fun malgré le fait qu’ils soient déséquilibrés. J’ai vu d’autres jeux qui sont fun spécifiquement à cause du fait qu’ils soient intentionnellement déséquilibrés. J’ai vu certains jeux qui ont réussi de manière retentissante sur le marché, en dépit du fait d’avoir des déséquilibres flagrants. Ce sont des cas rares et spéciaux, c’est certain. Mais laissons cela nous servir de rappel que les techniques et concepts discutés aujourd’hui ne devraient jamais prendre la priorité sur les buts ultimes de design pour votre jeu. Laissez ces techniques être vos outils, pas votre maître.

Homeplay

Your homeplay this past Monday was to arrange for a blindtest session, to be completed on or before next Thursday (August 27). Continue working on this if you have not completed it already.

Your other task, before next Monday (August 24), is to critically analyze your game with respect to game balance. Playtest the game once (either on your own or with others) with the purpose of finding balance issues – instruct everyone to intentionally seek out optimal strategies and exploit them. Play to win. Be vicious.

Then, from there, think of what systems and game objects are in need of modification (sometimes this is called tuning). Think about what techniques best fit your game. Are there transitive or intransitive relationships? Is it more suitable to balance primarily with playtesting, math, your own instincts, or some combination of the three?

Lastly, decide on the most serious game balance issue you identified in your earlier playtest. Make at least one change and playtest again (you can probably do this in the same test session). Did you fix the problem, or at least reduce its severity? Then, think about what other changes you might make, and what you will look for in future testing.

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