Niveau 8 – Types de fun, types de joueurs

L’article original « Level 8: Kinds of Fun, Kinds of Players » a été écrit par Ian Schreiber et fait partie d’un cours de game design en ligne, publié sur le blog Game Design Concepts.

L’article original et cette traduction sont publiés sous licence Creative Commons (Attribution).

N’hésitez pas à visiter le blog de Ian Schreiber et suivre son compte Twitter.

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Ce lundi, nous avons découvert que le « fun » est réellement un autre terme pour « apprentissage » et que mettre les joueurs dans un état de flow c’est là d’où provient ce « fun » élusif. Aujourd’hui, nous explorons plus profondément ce concept pour en apprendre plus sur le « fun », en creusant un peu plus dans les « 8 types de fun » de LeBlanc et al. et en les reliant en retour à la théorie du flow et d’autres choses.

Nous avons actuellement une idée de ce qu’est le fun, mais cela nous aiderait de savoir pourquoi ces choses sont fun. Et s’il y avait de nouveaux types de fun en attente d’être découverts ?

Course Announcements

I will be at Protospiel this weekend, so I may be a bit slow in responding to email or validating forum accounts. Likewise, next Monday’s lesson may be slightly delayed in posting, depending on what shape I’m in when I return.

Résultats du Mini-Challenge

Voici une petite sélection des réponses au mini-challenge de la dernière fois (proposez un changement de règles pour ajouter des décisions intéressantes au Trivial Pursuit) :

  • Le joueur qui doit répondre, écoute les six questions sur la carte, et ensuite prédit le nombre de réponses auxquelles il répondra correctement. S’il ne surestime pas le nombre de réponses correctes, il obtient N points (ou N est le nombre de réponses correctes) ; autrement il n’obtient rien. Il est possible que les joueurs jouent pour un score total plutôt que se déplacer sur le plateau. Cette décision est intéressante lorsque le joueur n’est pas totalement certain si une réponse est correcte, et il doit choisir son niveau de risque (sur la base d’à quel point il est certain et son score relatif).
  • Après avoir acquis une pièce, vous pouvez choisir de continuer à répondre à des questions supplémentaires sur la carte pour des pièces supplémentaires (ou des tours supplémentaires), mais si vous en ratez un alors vous perdez tous ceux que vous avez acquis à ce tour. Une mécanique intéressante de tente-ta-chance.
  • Au lieu de lancer un dé, un joueur peut tenter de répondre à une question de la couleur d’une case proche (n’importe où jusqu’à six cases) pour s’y déplacer. S’il rate, il ne bouge pas. Une autre mécanique de risque / récompense, où vous risquez de perdre complètement votre tour en échange d’un mouvement plus précis.
  • Une fois par tour, vous pouvez forcer un autre joueur à répondre à une question à votre place après l’avoir entendue. S’il répond incorrectement, votre tour continue ; s’il répond correctement, votre tour s’arrête. Ce qui rappelle le jeu « You Don’t Know Jack ».
  • Vous pouvez obtenir plus d’un coin de la même couleur. Vous pouvez faire des échanges avec vos adversaires à n’importe quel moment.
  • Vous lisez votre propre question. Après avoir regardé la réponse, si vous avec tord, vous pouvez bluffer et annoncer que vous aviez quand même raison. Si personne ne vous défie, alors continuez comme si vous aviez répondu correctement. Si vous êtes défié… alors le tweet d’origine ne l’a pas spécifié, mais il est possible que le vainqueur du défi obtienne quelque chose et le perdant perde quelque chose. Je recommanderai que le perdant d’un défi perde son prochain tour, et si le challenger avait vu juste, le tour passe à lui (on peut supposer en sautant les autres joueurs dans le processus).

Lectures

Lisez les articles suivants :

  • Natural Funativity, de Noah Falstein. Nous avons beaucoup parlé de ce qu’est le fun, et partant du Cadre de Travail MDA nous savons qu’il y a différents types de fun. Mais pourquoi ces choses sont fun à la base, et pas les autres ? Noah fournit une théorie utile.
  • Clubs, Diamonds, Hearts, Spades: Players Who Suit MUDs, de Richard Bartle. Si vous êtes trop jeune pour savoir ce qu’est un MUD, c’est simplement un précurseur des MMO d’aujourd’hui. Remplacez le mot « MUD » avec « World of Warcraft » et cela fera encore parfaitement sens.
  • Vous pourrez aussi trouvez utile de revoir le MDA Framework, en particulier la partie qui parle de 8 types de fun.

Types de Fun

Vous pourriez vous souvenir que dans le Cadre de Travail MDA les auteurs ont listé 8 types de fun. Ce sont :

  • Sensation. Les jeux peuvent engager les sens directement. Prenez en considération l’audio et la vidéo des jeux vidéos « agréables à l’oeil » ; la sensation tactile des routes et maisons en bois dans Les Colons de Catane ; ou le mouvement physique impliqué dans le fait de jouer aux sports, Dance Dance Revolution, ou n’importe quel jeu de la Nintendu Wii.
  • Imaginaire (fantasy). Les jeux peuvent fournir un monde de fiction (certains pourraient appeler cela « fuite de la réalité » avec cynisme) qui sont plus intéressants que le monde réel.
  • Récit (narrative). Comme nous l’avons précisé plus tôt en passant, les jeux peuvent impliquer des histoires, soit le type intégrée que les designers ont mis dedans, ou le type émergent qui sont créées à travers l’action des joueurs.
  • Challenge. Certains jeux, en particulier les jeux d’arcade rétro, les sports professionnels, et certains jeux de plateau compétitifs comme les Échecs et le Go, dérivent leur fun principalement du frisson de la compétition. Même les jeux à un joueur comme Démineur ou des activités comme l’alpinisme sont fun principalement à cause du fait de surmonter un challenge difficile.
  • Camaraderie (fellowship). Beaucoup de jeux ont un composant fortement social à l’intérieur d’eux. Je pense que c’est uniquement cela qui permet à de nombreux jeux de plateau américains comme le Monopoly de continuer à vendre de nombreux exemplaires chaque année, en dépit du fait des décisions inintéressantes et des mécaniques ternes. Ce n’est pas le jeu, mais l’interaction sociale avec la famille, dont les gens se souviennent affectueusement de l’époque de leur enfance.
  • Découverte (discovery). C’est rare dans les jeux de plateau, mais cela peut être trouvé dans les jeux d’exploration comme TikaÏ et Entdecker. C’est plus communément trouvé dans les jeux vidéo d’aventure et de rôle en particulier les jeux des séries Zelda et Metroid.
  • Expression de soi (expression). Par cela, je pense que les auteurs du MDA voulaient dire la capacité à s’exprimer à travers le gameplay. Des exemples incluent des jeux comme Charades ou le Poker où la façon dont vous agissez est au moins aussi importante que les autres actions que vous faites dans un jeu ; Donjons & Dragons où le personnage que vous créez est largement une expression de votre propre idée personnelle ; ou des jeux vidéo à monde ouvert ou de simulation comme The Sims, Grand Theft Auto, Oblivion ou Fable, qui sont largement soucieux de donner au joueur les outils nécessaires pour créer leur propre expérience personnalisée.
  • Soumission (submission). Un nom qui fait souvent rigoler mes étudiants avec leurs esprits mal tournés, mais l’intention concerne les jeux comme hobby continuel plutôt qu’un événement isolé. Prenez en considération le metagame1 et la scène de tournoi dans Magic : The Gathering, les exigences d’une guilde à se présenter à des réunions régulières dans World of Warcraft, ou même le rituel de jouer ensemble le week-end à des jeux de plateau ou de rôle.

Souvenez-vous que ceux-là ne sont pas des propositions tout-ou-rien. Les jeux peuvent contenir plusieurs types de fun, dans des quantités variables.

Pourquoi ne pas simplement créer un jeu qui possèderait les huit types de fun ? Ne serait-ce pas le saint Graal des jeux, un jeu qui serait fun pour tout le monde ? Malheureusement, non. Simplement parce que ces types sont différents types de fun et ne signifient pas que tout le monde trouve les huit types fun. Non seulement certains jeux fournissent différentes combinaisons et quantités relatives des différents types de fun, mais différents joueurs trouvent différentes combinaisons plus ou moins fun que d’autres. À peu près la moitié des gens que j’ai rencontré pensent que les Échecs sont fun, et l’autre moitié ne le pensent pas, l’esthétique « fun » ne provient pas du jeu seul, mais de la combinaison du jeu et du joueur.

Est-ce que ce sont les huit uniques types de fun ? Non ; même les auteurs admettent que la liste ci-dessus est incomplète. Il y plusieurs propositions de classification publiés pour identifier différents types de fun, qui incluent les four fun keys de Nicole Lazzaro ou les fourteen forms of fun. de Pierre-Alexandre Garneau. Même les 8 types de fun de la publication MDA sont discutables. Est-ce significatif de séparer l’Imaginaire et le Récit, ou sont-ce deux façon de regarder le même type de fun ? Est-ce que la soumission est réellement un type de fun, ou est ce qui arrive quand vous avez un jeu suffisamment attrayant pour lui donner le statut de « hobby » – est-ce une cause ou un effet ? Qu’est-ce qui compte comme « expression » exactement, est qu’est-ce qui ne compte pas ?

Et ou l’expression « le fun c’est l’apprentissage, apprendre est fun » de la dernière fois s’insère dans cette discussion ?

Évolution (sans Pokemon)

La réponse de Falstein est de faire un retour en arrière jusqu’au début de la préhistoire, quand les hommes étaient à leur stade de chasseurs-cueilleurs. Les humains primitifs devaient apprendre de nombreuses compétences de manière à survivre et se reproduire. Si nous trouvons fun d’apprendre certaines compétences, nous serions plus à même d’aimer les pratiquer, et ainsi plus à même de survivre, nous reproduire, et passer nos gènes à la prochaine génération. Au cours du temps, ces choses qui nous rendaient plus à même de survivre ont fini par être les choses que nous trouvons « fun » aujourd’hui. Toutes les compétences primitives des chasseurs-cueilleurs ne sont pas nécessairement utiles aujourd’hui, vous dites vous, mais nos gènes n’ont pas eu le temps de rattraper notre technologie pour l’instant.

Pour résumer : si un homme des cavernes l’avait trouvé utile, vous le trouverez fun.

Falstein propose trois types de fun : le « fun physique » (utile pour n’importe quelle activité physique qui nous permet de nous battre ou échapper au danger), le « fun mental » (la partie de résolution de problème de notre cerveau qui nous a donné des choses utiles comme la roue et le feu), et le « fun social » (les bénéfices de nous associer en groupe pour la survie mutuelle… et bien évidemment, la reproduction).

Quand j’ai vu cela pour la première fois, j’ai pensé « wow ! » Mais je l’ai épelé « WoW » parce que, qu’est-ce que World of Warcraft à part du fun physique (combat), du fun mental (optimiser votre équipement et vos compétences), et le fun social (la danse des Elfes de la Nuit) ?

Mais nous pouvons appliquer ce processus de pensée évolutionnaire à n’importe quel « type de fun ». Voyons ensemble certains des 8 types de fun du MDA dans ce contexte :

  • Sensation inclut le mouvement physique (parfait pour bâtir des muscles), regarder et écouter les choses qui sont intéressantes (parfait pour détecter les opportunités ou les dangers).
  • Imagination permet le type de scénario « Et si… » de notre cerveau pour devenir plus fort, ce qui nous permet de proposer de nouvelles idées.
  • Récit est utile pour transmettre les informations vitales et l’expérience aux autres membres de notre groupe, ce qui augmente la chance tous parmi vous survivent.
  • Défi est une façon pratique pour les différents humains de montrer leur domination sur un autre d’une façon relativement sans danger – « Je peux lancer cette pièce plus loin que toi » est plus utile que « battons nous à mort » si vous essayez de construire une colonie.
  • Camaraderie ouvre la possibilité de nouvelles sources de nourriture (l’un d’entre eux pourrait être tué en chassant une large bête, mais en groupe nous pouvons l’abattre). Il est aussi plutôt difficile de transmettre votre matériel génétique à la prochaine génération si vous êtes seul.
  • Découverte est ce qui nous amène à explorer notre territoire alentours. Plus nous connaissons de territoires, plus nous avons de lieux potentiels pour trouver de la nourriture et un abri.
  • Expression vient probablement de la même part de nous qui est câblée pour communiquer à travers le langage, et la communication en général, sont plutôt utiles.
  • La soumission est… et bien je ne suis pas certain concernant celui-ci. Peut-être est-ce un effet du fun plutôt qu’une cause.

Découvrir de nouveaux types de fun

Nous pouvons faire cela à l’envers. Au lieu de prendre quelque chose qui est fun et remonter en arrière jusqu’à la partie reptilienne de notre cerveau, nous pouvons isoler des compétences dont nos ancêtres chasseurs-cueilleurs pourraient avoir eu besoin pour survivre, et ensuite les utiliser pour comprendre ce que vous pourrions trouver fun. Par exemple, voici quelques activités qui sont souvent trouvées dans les jeux :

  • Collection. C’est la partie « cueillette » de la chasse-et-cueillette, alors vous pourriez vous attendre à ce que cela soit fun. Et ça l’est. Quand j’étais un gamin, avant que les jeux vidéo deviennent ubiquitaires, le hobby le plus populaire au monde était la collection de timbres. Dans de nombreux jeux de plateau vous collectez des ressources ou des jetons. Les joueurs de jeux de cartes à collectionner amassent des cartes. Dans le monde du jeu vidéo, nous avons collecté des choses depuis que Mario a commencé à collecter des pièces.
  • Raisonnement spatial. Les hommes primitifs avaient besoin de déterminer les relations spatiales de manière à construire des outils utiles (par exemple, si vous voulez trouver un grand bâton pour faire une échelle ou un pont sommaire, vous devez être capable d’estimer la longueur ; si vous voulez coller deux pièces de bois ensemble, vous devez être capable de déterminer comment les ajuster). De nombreux jeux utilisent les relations spatiales de Tetris à Pente.
  • Progression. Je vois cela comme une sorte de méta-compétence, la compétence d’apprendre des nouvelles compétences. Nous voyons cela formalisé dans les jeux tout le temps, depuis les évidents Point d’Expérience et Niveaux jusqu’à trouver de nouveaux objets ou acheter de nouvelles armes qui nous donnent de meilleurs statistiques ou nouvelles capacités.
  • Trouver des raccourcis. Trouver des façons nouvelles, non découvertes, de contourner les problèmes d’une manière qui demande moins d’efforts que la normale a aidé les humains primitifs à conserver leur énergie ; dans ce sens, la paresse peut être une vertu. Ironiquement, dans les jeux, cela prend souvent la forme de règles brisées de façon délibéré et la triche.
  • Persécuter. Comme d’autres formes de compétition, mettre d’autres personnes à terre est un moyen de montrer la domination et la supériorité sur nos pairs. (Oui, certains d’entre nous trouvons cela ennuyeux et immature, mais les hommes des cavernes ne sont pas exactement connus pour leur sensibilité émotionnelle).

Peut-être que vous pouvez penser à d’autres types de fun. Soyez libre d’amender la liste dans les commentaire de ce blog post.

Les jeux changent au cours du temps

Le jeu en général, et les jeux en particulier, nous aident à exercer les compétences dont nous avons besoin à l’âge adulte. Alors que les choses que nous trouvons fun demandent des millions d’années d’évolution pour changer, les jeux auxquels nous jouons peuvent changer avec chaque génération. Ainsi, vous pouvez dire beaucoup de choses concernant les valeurs d’une société en regardant ses jeux les plus populaires. (Quelques siècles auparavant quand la plupart des gens étaient fermiers, la récolte de grain était une grande affaire pour nombre de gens. Aujourd’hui ce n’est plus le cas, alors nous ne voyons plus de prédominance des « jeux de grains » dans notre monde contemporain.)

Cela donne encore un point de départ potentiel en plus quand nous concevons un jeu. Pensez à quels types de compétences sont utiles à l’age adulte dans notre culture. Trouvez un lien entre ceux-là et les compétences nécessaire pour qu’un chasseur-cueilleur survive. Ensuite, concevez un jeu qui mette en pratique ces compétences. La plupart des jeux d’apprentissage qui ont du succès font cela, en intégrant l’apprentissage dans le jeu. Les actions dans le jeu consistent à utiliser les compétences qui doivent être apprises, ou l’apprentissage d’une compétence est la condition de victoire du jeu. Dans les deux cas, le gameplay est aligné avec le fun intrinsèque et la joie d’apprendre, et vous pouvez aboutir à un jeu « éducatif » qui est aussi fun. Notez que c’est en contraste fort avec les titres d’ « edutainment » typiques qui requièrent un apprentissage en par-cœur comme pré requis pour jouer, ou qui sépare l’apprentissage du gameplay, ce qui a été prouvé de nombreuses fois comme n’étant pas fun.

Un problème

Ainsi, maintenant il semblerait que nous ayons toutes les réponses. Les états de flow sont plaisants. Nous somme conduits par des tendances profondes d’apprendre des compétences utiles de chasseur-cueilleur. Les jeux peuvent exploiter celles-là pour produire ce que nous appelons « fun ».

Est-ce tout ?

Et bien non.

D’abord, nous devons questionner notre obsession collective avec cette question du « fun ». Le fun n’est pas la seule émotion plaisante. Par exemple, les designers parlent souvent de :

  • Fiero, le sentiment de triomphe d’avoir achevé une tâche significative et difficile. « Tu assures ! »
  • Schadenfreude, le sentiment malveillant que vous avez quand un rival échoue à quelque chose. « La tragédie c’est quand je cogne mon orteil ; la comédie c’est que vous tombez d’une falaise et mourrez. »
  • Naches, le doux sentiment de valeur personnelle que vous avez quand votre enfant, élève ou tout autre personne que vous avez tutoré réussit. « Je suis si fier de toi ! ».
  • Kvell, l’émotion que vous avez quand vous faites l’éloge de votre enfant, élève, etc. « Mon enfant est un élève honorifique à l’école élémentaire ».

Aucune de ces émotions ne serait décrite comme étant exactement « fun ». Aucune d’entre elles n’est directement reliée aux états de flow. Mais elles sont plaisantes. Et elles pourraient certainement ajouter quelque chose à l’expérience du gameplay.

Ainsi, comme nous le discutions en parlant des arts games, le « fun » n’est pas nécessairement le seul propos pour lequel les jeux peuvent être faits. Nous pourrions lire Guerre et Paix et dire que c’est un bon livre, mais nous ne pourrions pas dire qu’il soit fun. Nous pourrions dire que La Liste de Schindler et Il Faut Sauver Le Soldat Ryan sont des grands films, mais les gens vous regarderaient bizarrement si nous avions dit de l’un d’entre eux qu’il était fun. Macbeth n’est pas particulièrement fun. Voir Mona Lisa n’est pas fun. Les nouvelles du jours sont rarement fun. Et pourtant, ces choses peuvent être profondément significatives.

Un critique de jeu pourrait dire de Mona Lisa : « Belle image, mais un seul niveau, peu d’interactivité, pas beaucoup de valeur de rejouabilité. Intéressant mais pas très fun. 2/10 »

Le reste d’entre nous ne le ferait pas.

Alors, la prémisse avec laquelle j’ai démarré lundi dernier – « le travail d’un game designer est de faire un jeu fun » – est quelque chose que vous devriez tous être un peu moins confortable maintenant. Le fun est certainement un fort composant de nombreux jeux, mais les jeux n’ont pas à être limités à cela. Notre rôle en tant que game designer est d’aller au delà de faire un jeu fun. Le travail d’un game design est de fabriquer une expérience de gameplay significative.

Le fun est simplement une façon pratique et facile de faire cela. Mais n’oubliez pas que ce n’est pas la seule façon.

Un autre problème

Koster met en avant dans Theory of Fun que les joueurs sont, en leur cœur, paresseux. Ils tendent à chercher des jeux similaires à ceux auxquels ils sont déjà bons, ainsi ils n’apprennent pas quelque chose de nouveau, ce qui réduit la quantité de plaisir de l’apprentissage qu’ils peuvent recevoir. Ils tendent à chercher des astuces, des exploits2 et des manières de tricher, qui sont à même de contourner le processus plaisant d’apprentissage. Les joueurs rendent le jeu moins fun – mais ils font de toute façon.

Pour être correct, les game designers font cela aussi. Nous faisons probablement cela plus souvent que la plupart des joueurs, car nous sommes si expérimentés pour trouver les motifs dans les jeux et voyons les formes si rapidement. Cela mène à des tas d’œuvres dérivées. Personnellement, le premier jeu sur lequel j’ai travaillé était un jeu de cartes à collectionner, et même maintenant je veux instinctivement ajouter des cartes, personnaliser les paquets, prendre des décisions coût / bénéfice, et le introduirele concept de rareté dans chaque jeu que je fais. Un autre designer que je connais voit tout en terme de jeu de rôle. Un autre de mes collègues essaie de tout tourner sous la forme d’un jeu Sim. La plupart d’entre nous, je pense, tendent à penser dans les termes d’un genre même si vous travaillons dans un autre. Selon mon expérience, c’est d’habitude le genre du premier jeu sur lequel nous avons travaillé professionnellement.

Est-ce qu’il y a quelque chose nous concernant qui nous fait aimer un type de jeu plus qu’un autre ? Est-ce aussi simple que les « goûts personnels » alors pourquoi voyons-nous autant de superposition parmi les joueurs ?

Types de joueurs

Cela nous amène à Bartle et ses types de joueurs. De même que les types de fun (et les définitions des jeux), nous ne trouvons pas de pénurie de gens volontaires pour pousser leur propre théorie des types de joueurs. Pourquoi lire Bartle, et pas quelqu’un d’autre ? En premier, l’essai de Bartle était le premier de son genre à gagner un intérêt et une acception général, alors il est important historiquement ; le second, parce qu’il y a certains aspects du texte qui amènent à des dissections intéressantes.

Voyons les quatre types de joueurs dans un MUD (ou MMO) proposés par Bartle :

  • Les Battants (achievers) trouvent plaisant de gagner du pouvoir, de monter de niveau, et en général de « battre » le jeu (dans la limite ou un jeu qui n’a pas de fin peut être « battu »)
  • Les Explorateurs (explorers) trouvent plaisant d’explorer le monde, construire des cartes mentales des différentes zones dans leurs têtes, et généralement de découvrir ce qu’il y a dans leur environnement.
  • Les Socialiseurs3 (socializers) utilisent le jeu comme un medium social. Il jouent pour l’interaction avec les autres joueurs. Les systèmes de gameplay sont simplement une excuse pratique pour se rassembler et jouer avec ses amis.
  • Les Tueurs (killers) (aujourd’hui nous les appelons « griefers ») dérivent leur fun de ruiner le fun des autres personnes.

Quelle est la motivation de chaque type de joueur ? Pourquoi font-ils ce qu’il font ? Cela se relie aux différents types de fun.

En comparant les listes des types de joueurs de Bartle et les 8 types de fun du MDA, vous voyez des parallèles. Les Battans favorisent le fun de Challenge. Les Explorateurs semblent aimer le fun de Découverte . Les Socialiseurs sont intéressés par le fun de Camaraderie. Et les Tueurs… et bien, ils ne se calquent pas avec un type de fun spécifique dans le MDA, mais le fun de Griefing que j’ai proposé comme ajout semblent bien fonctionner.

D’autres propositions de types de joueurs montrent des corrélations similaires : chaque « type de joueur » est réellement un type de fun, ou une combinaison de différents types de fun, personnifiés. Les deux concepts (types de joueurs et types de fun) sont en réalité le même concept exprimé de différentes façons.

Cela suggère que vous pouvez commencer avec une liste de types de fun et inventer de nouveaux types de joueurs basés sur une combinaison de types de fun. Les jeux de course de voiture combinent le fun de Sensation et de Challenge ; je pourrais proposer un nouveau type « Coureur » comme le type de joueur qui aime ces types de jeux. Et ensuite, je pourrai estimer que les autres jeux, comme les « Sports Extrêmes » pourraient plaire aux même type de joueur comme ils ont une « signature de fun » similaire.

Vous pourriez aussi partir dans l’autre direction. Si vous réussissez à isoler un nouveau type de joueur (i.e un motif de jeu qui apparaît dans un pourcentage non trivial de vos playtesteurs), en étudiant quel type et ce que les joueurs font, vous pourriez être capable de découvrir de nouveaux types de fun.

Lequel vient en premier ? 

Si nous pouvions aller et venir entre les types de joueurs et les types de fun, nous pourrions nous demander si c’est un problème classique de la poule et de l’œuf. Est-ce mieux de partir des joueurs ou du fun ?

Prenez ceci en considération : en tant que game designers, nous créons des règles (mécaniques). Les règles créent des dynamiques de jeu lorsqu’elles sont mises en mouvement, et celles-ci provoquent les esthétiques de fun chez les joueurs. Les choses que nous créons, sont la cause première du fun. Ainsi, ce sont les types de fun qui sont notre plus grand souci.

Nous ne créons pas les joueurs. (Bon, ceux d’entre nous qui sont parents pourraient dire qu’ils le font, mais vous savez ce que je veux dire.) En tant que game designers, nos règles ne créent pas des nouveaux joueurs ou types de joueurs. Ainsi, n’importe quelle liste de types de joueurs est utile seulement jusqu’au point où elle est corrélée avec les types de fun.

Laissez moi prendre un exemple. Il y a un livre, 21st Century Game Design, par Chris Bateman et Richard Boon, qui propose des types de joueurs basés sur les types de personnalités du modèle  Myers-Briggs. L’idée principale de faire des études de marché, comprendre les joueurs pour lesquels vous concevez, et concevoir un jeu pour correspondre au marché cible est une idée qui a une application définitive dans le game design. Mais l’implémentation a un problème. Les types Myers-Briggs sont calqués sur les types de joueurs, qui en retour correspondent aux différents types de fun. Il y a deux niveaux d’abstraction ici, ce qui veut dire un taux d’erreur supérieur à la normale. Les gens ne tombent pas toujours nettement et précisément dans 16 catégories, après tout.

Un exemple plus souvent utilisé est celui de la classification des joueurs comme « casual4 » ou « hardcore5 ». Maintenant nous voyons pourquoi cette distinction peut être utile pour les gens du marketing, mais pas tellement pour nous autres game designers. Quel types de fun correspondent à ces joueurs ? Qu’est-ce que le « casual fun » ? ou le « hardcore fun » ? Ce n’est pas clair. On nous dit que les joueurs casual veulent des jeux ou expériences qui soient courts, facile à apprendre, et pas très difficiles. Et pourtant, certains ainsi appelés « jeux casual » sont difficiles (Diner Dash), longs (Puzzle Quest), ou compliqués (Virtual Villagers). Au lieu de passer du temps à essayer de définir un archétype simple du « joueur casual », je suspecte qu’il serait plus productif d’identifier les types de fun qui aident les bien nommés « jeux casual » à être des succès, et ensuite travailler à partir de là.

Une note pour les enseignants

Comme pour la dernière fois, il y a quelques parallèles directs avec l’enseignement. Quand je dis « types de joueurs » et « types de fun » un enseignant pourrait penser aux « styles d’apprentissage ». Le fun que j’appelle Sensation, Narrative et Expression, vous pourriez penser à apprentissage Audio, Visuel ou Kinesthésique.

Pensez aux façons d’appliquer cela à votre classe :

  • Combien de types de fun utilisez-vous dans votre classe ? Est-ce que vous utilisez une variété, de manière à donner à tous les étudiants une chance d’être engagés et fascinés au moins une partie du temps ?
  • Le fun Sensation est plutôt facile. Amenez des choses en classe qui sont intéressantes à voir. Amenez des objets qui peuvent être touchés et passés entre les élèves. Je connais un enseignant qui fait lever toute la classe et s’étirer si elle voit les étudiants piquer du nez.
  • Le Récit en est un autre facile. La plupart des sujets ont des histoires qui font partie d’eux. Il est plus facile pour la plupart des gens de se souvenir d’une histoire que de se souvenir de faits aléatoires. Nous sommes câblés pour raconter et écouter des histoires.
  • Le Challenge vient souvent sous la forme de jeux de types Quiz Show en classe. Alors que le Jeopardy est marginalement plus intéressant que la moyenne des cours d’université d’université, gardez à l’esprit que les étudiants ne prennent pas des décisions intéressantes. Vous pouvez faire mieux que cela. Les débats formels ou informels et les discussions avec les étudiants qui prennent parti peut aussi jouer avec ce type de fun.
  • La Camaraderie peut survenir en classe lorsque les élèves sont mis en groupe, ou pendant les discussions de classe.
  • La Découverte est difficile dans la plupart des classes, car tout le monde est rivé à son siège et ne peut vraiment explorer l’espace. Les voyages à l’extérieur sont un exemple évident de travailler cela. Si votre classe se déroule via internet, vous pouvez demander aux étudiants de faire des recherches sur le Web, et au moins les laisser explorer un espace virtuel si ce n’est un espace réel.
  • La Collection est un type de fun est le plus souvent vu dans les classes d’écoles élémentaires, en donnant aux élèves des images ou des étoiles dorées. C’est plus risqué dans les études supérieures (vous courrez le risque de traiter vos étudiants comme s’ils étaient à la maternelle), mais cela peut être fait. Je connais des professeurs d’économie, par exemple, qui ont imprimé des paquets de billets en dollars avec son visage dessus, et les donnaient aux élèves pendant les exercices en classe, les quizz et ainsi de suite. Les étudiants pouvaient échanger la monnaie du jeu pour de l’argent réel et des prix à la fin de l’année.
  • La Progression est un type de fun intrinsèque à n’importe quel cours ou le contenu à venir se construit sur ce qui a été appris précédemment. Si vous avez créé un diagramme de compétences enseignées en classe (avec des flèches dessinées des compétences pré-requises aux nouvelles compétences ajoutées au dessus), vous pourriez trouver que cela ressemble beaucoup à un « arbre technologique » ou « arbre de compétences » dans un jeu vidéo RTS ou MMO. En exposant ce type de diagramme de compétence aux étudiants (et ensuite en leur montrant quand ils gagnent des nouvelles compétences et « déverrouillent » l’accès à d’autres compétences plus avancées) vous pouvez créer un sentiment d’accomplissement… et aussi faire des connections entre les sujets plus faciles à voir. Entre parenthèses, pour les chefs de département ici, vous pouvez aussi faire cela pour un curriculum entier, en montrant de façon schématique les conditions et pré-requis du cours.

Leçons apprises

En général, les choses que nous trouvons fun sont reliées aux compétences dont nos lointains ancêtres avaient besoin afin de survivre. Nous pouvons exploiter cela dans nos game designs pour faire des jeux qui soient plus fun.

Certaines personnes trouvent certains types de fun plus intéressants et engageants que d’autres. Les goûts varient. Essayez de voir avec vos jeux favoris (et les jeux populaires que vous n’aimez pas) et voyez si vous pouvez découvrir votre « signature fun » personnelle.

Souvenez-vous que le « fun » est l’une des nombreuses réponses émotionnelles qu’un jeu peut évoquer chez un joueur. Notre but en tant que game designers est de délivrer une expérience engageante, qui pourrait être ou ne pas être fun. La plupart des Art Games dans le niveau 6 ne sont pas particulièrement fun… mais ils étaient profondément significatifs. Le fun est une partie importante de ce que nous faisons, mais ne cherchons pas le fun au détriment de tout le reste.

Au fur et à mesure de vos recherches, vous rencontrerez sans doute dans de nombreux article qui prétendent classifier le Fun et ou les Joueurs dans des types. Ne prenez pas de tels articles comme parole divine. Au lieu de ça, analysez-les pour voir si cela fait sens. Pour les types de Fun, vous pouvez voir pourquoi nous (ou nos ancêtres chasseurs-cueilleurs) pourrions trouver chaque type fun ? Pour les types de joueurs, vous pouvez voir un lien entre les types de joueurs et les types de fun, comme il est plus facile pour un game designer de créer une marque personnalisée de fun que de créer un nouveau type de joueur ?

Feedback

If you have time, before beginning the Homeplay below, please take the time to offer constructive feedback to at least two other posts at your skill level from the War challenge from Level 7 (posted on theforum), and also at least three other posts at a skill level below yours (unless you posted in Green Circle).

Try to complete your feedback on or before Monday, July 27, noon GMT.

Jeu à la maison

Mettons en pratique notre capacité à trouver des mécaniques qui donnent naissance à un type spécifique de fun. Le type de fun que nous prendrons en considération est Griefing6 (ce qui veut dire, dériver le plaisir de l’acte de ruiner le plaisir des autres joueurs)

Créez un concept pour un jeu qui est construit pour plaire spécifiquement au « griefers » (i.e. le type de joueur « Tueur » de Bartle). Postez-le dans le forum. Vous n’avez pas besoin de créer les règles du jeu. Créez simplement un concept qui inclut suffisamment d’information pour communiquer ce que le gameplay serait.

Votre post devrait inclure les éléments suivants :

  • Plate-forme ou medium cible. Est-ce un jeu PC ? Console ? Un jeu de cartes ou de plateau ? Un jeu de rôle sur table ?
  • Nombre de joueurs
  • Un paragraphe ou deux qui décrit le concept du jeu
  • Un autre paragraphe expliquant pourquoi ce concept plaira au marché cible.

Postez-le dans le forum qui est ressemble plus près à votre compétence en tant que designer.

Débutant, peu ou pas d’expérience avant de suivre ce cours.

 

Intermédiaire, un peu de travail en classe ou d’exposition au game design mais peu ou pas d’expérience professionnelle.

 

Avancé, au moins un peu d’expérience professionnelle en tant que game designer publié.
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Mini-Challenge

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1 Le terme « metagame » a été proposé par Richard Garfield, auteur de Magic: The Gathering, pour signifier toutes les activités liées au jeu que le joueur fait lorsqu’il ne joue pas au jeu. Par exemple : analyser les cartes, sélectionner les cartes qui constitueront son paquet, échanger des cartes, étudier des parties, connaître les stratégies du moment.

2 Le terme « exploit » est à entendre dans le sens anglais : le fait de tirer partie d’un défaut du jeu pour en retirer un avantage.

3 Le terme d’origine « Socializer » est une création de Bartle, et la traduction en « Socialiseur » n’est pas meilleure. Le profil proposé est celui d’un joueur « qui trouve dans le jeu l’occasion de se socialiser, de nouer des relations avec les autres joueurs ».

4 Le terme « casual » signifie « occasionnel ». Son usage est suffisamment courant pour être utilisé comme tel.

5 Le terme « hardcore » signifie « noyau dur » ou « alpha ». Son usage est suffisamment courant pour être utilisé comme tel.

6 Le terme « griefing » signifier « causer de la douleur ou de la peine ».